Irena 1. Le Ghetto

I nfirmière sociale, Irena se rend quotidiennement derrière les murs du ghetto de Varsovie où elle essaie de soulager le sort des centaines de Juifs qui y sont parqués, en distribuant soupes et vêtements rapiécés. Lorsque Vaschel, mourante, souhaite lui confier son fils unique, elle hésite. Pourquoi ce petit-ci et pas un autre ? Consciente du danger que cela implique, la jeune femme veut décliner la demande quand elle apprend le décès de la mère puis l’assassinat gratuit par un officier de la Gestapo du garçon concerné. Bouleversée et révoltée, elle s’apprête à franchir le pas qui la mènera sur un chemin des plus dangereux et incertains.

Après leur collaboration sur Ocelot et Youth United, Jean-David Morvan et Séverine Tréfouël se retrouvent pour évoquer le parcours d’Irena Sendlerowa (1910-2008). Figure de la résistance de son pays face au IIIe Reich, cette Polonaise méconnue a sauvé quelques 2500 enfants juifs, engagement courageux qui lui a valu de recevoir le titre de « Justes parmi les nations ». Le premier tome du triptyque présente l’héroïne à l’œuvre dans le ghetto, dans son rôle d’infirmière, suivant en cela les traces de son défunt père médecin. Il s’attache à montrer la misère dans laquelle survivent ceux qui s’y trouvent, les exactions de l’occupant allemand, ainsi que le contraste avec ce qui se passe au-delà des barrières dans le reste de la ville. Les événements qui ont marqué leur personnage, son militantisme, ses doutes et ses états d’âme à impliquer ses proches, sont dépeints avec justesse et de manière touchante. Le recours aux flashbacks et aux sauts temporels (passant de 1941 quand débute l’action à 1943 quand la résistante est prisonnière et torturée, puis retournant en 1941) permet d’éviter toute linéarité trop pesante et intensifie l’action autant que les choix d’Irena.

Cette existence et ce combat peu communs sont habilement mis en images par David Evrad (Max et Bouzouki) dont le dessin est caractérisée par un trait arrondi et expressif – parfois à la limite de la caricature en ce qui concerne les rictus des Nazis - qui s’apparie bien avec la colorisation de Walter. Le découpage se révèle aussi soigné que varié et assure une bonne lisibilité. Certains épisodes douloureux, comme le meurtre absurde du petit Nethanel ou l'apparition de défunts, sont traités avec beaucoup de pudeur et de délicatesse. Ainsi, la surenchère est évitée et l’emploi de couleurs différentes, blanc-bleutées, conférant un aspect fantomatique exprime visuellement la mort, la fin inéluctable.

Éditée par Glénat dans sa collection « Tchô, l’aventure… », cette série semble s'adresser d’abord aux enfants du même âge que ceux qui en peuplent les pages et la couverture, cependant elle pourrait paraître dure par moments. Elle saura toutefois également intéresser les plus grands. Le second tome sortira en mars 2017 et le troisième est prévu pour 2018, dix ans après le départ de cette infirmière d’exception.

>>> Voir la preview

Moyenne des chroniqueurs
6.6