Marie-Antoinette - La jeunesse d'une reine (Soryo)
1770, la jeune archiduchesse Maria-Antonia quitte Vienne pour un long périple vers la France. Mariée par procuration, elle se prépare à rencontrer sa nouvelle famille.
Il ne faut pas préjuger de la couverture qui semble présager d'un traitement mièvre à souhait. Encore un énième opus sur Marie-Antoinette, mais celui-ci mérite de s'y intéresser, à double titre. D'abord, co-produit par le château de Versailles, il est richement documenté ; ensuite parce qu'il est merveilleusement illustré par la plume délicate et riche en détails de Fuyumi Soryo, l'auteur du remarqué Cesare.
Présenté comme un one-shot, la jeunesse d'une reine se concentre sur l'arrivée d'une jeune fille naïve de quatorze ans à la Cour vieillissante et dévoyée de Louis XV et sur la façon dont elle va apprivoiser une jeune époux assez rétif. Le traitement de Marie-Antoinette en héroïne shojo peut étonner, mais c'est pourtant le plus proche de la réalité historique. La jeune dauphine est fraîche, naïve, incapable de la rouerie nécessaire à la survie à Versailles (et c'est ce qui la perdra). Pour reprendre les mots de son frère, elle est "une vraie tête à vent". Surtout, c'est une adolescente dont l'intellect a été négligé (sa mère s'aperçoit qu'elle ne sait ni lire ni écrire au moment des fiançailles). Elle détonne dans ce milieu plein de faux semblants ordonnancés par l’Étiquette du Grand Roi ; tout comme son mari de quinze ans, Louis-Auguste, dont les historiens ont mis à jour des capacités exceptionnelles, qui se passionne pour ses études, les sciences et la chasse, en plus de cultiver un puritanisme qui contrarie son grand-père. C'est l'histoire d'un couple d'enfants, forcés de s'accoupler, qui va grandir à son rythme, à contre-courant, presque révolutionnaire.
Le dessin est tout simplement sublime, le talent de l'auteur pour ses miniatures richement ornementées fait une nouvelle fois merveille . Le travail des visages est particulièrement remarquable, puisqu'il donne vie aux tableaux de cette époque. Les traits, bien qu'idéalisés, reproduisent parfaitement les deux personnages et leur donne toute une palette délicate d'émotions. Très formaté sur ton "conte de fées", les sentiments rendus sont néanmoins réalistes et conformes aux archives. L'auteur donne une interprétation toute en délicatesse des vides de l'Histoire, des sous-entendus, de la pudeur des écrits.
Une très bonne introduction à la biographie d'un personnage très souvent traité, toute en retenue, comme ses protagonistes.
7.0