Voyage en Satanie Satanie

C onstantin est bien décidé à prouver l’existence de l’Enfer, en s‘appuyant sur les théories de Darwin : une espèce chtonienne aurait évolué parallèlement à la nôtre et constituerait la base des mythes démoniaques. Porté disparu pendant une expédition spéléologique visant à étayer ses recherches, une mission de sauvetage est lancée, essentiellement composée d’amateurs. Parmi eux, Charlotte, la sœur de Constantin et un prêtre venu les secourir. Bloqués dans les galeries, ils découvrent que les idées du jeune iconoclaste ne sont peut-être pas si farfelues.

Le récit évoque d’abord Voyage au centre de la Terre, auquel le titre initial Voyage en Satanie fait écho. Puis il évolue en huis-clos souterrain : les personnages connaissent des épreuves physiques et psychologiques avec la peur, la perte de tout repère, le bouleversement de leurs croyances et de leurs convictions. Enfin, livrés à eux-mêmes et confrontés à leurs névroses, chaque palier de la descente voit le risque de sombrer dans la folie. L’héroïne qui s’affirme malgré ses fragilités, effectue un éprouvant voyage vers les profondeurs de la Terre, mais aussi d’elle-même. Si le périple court de révélations en révélations, elles ne sont pas forcément celles attendues et repoussent d’autant le dénouement, ménageant habilement le suspense.

Le dessin rond, presque naïf, est très expressif et peut évoquer une bande dessinée jeunesse mais loin s’en faut, rappelant le piège que pouvait constituer le macabre et néanmoins charmant Jolies ténèbres. Le style contraste avec l’inquiétante atmosphère et le sort tristement définitif des protagonistes. Les couleurs franches, tantôt psychédéliques, tantôt crépusculaires, puis organiques, évoquent parfaitement l'Enfer.

Le premier tome, paru en 2011, n’avait jamais connu de suite. La nouvelle publication regroupe l’intégralité de l’histoire dans une édition soignée : quelques pages ont été ajoutées, d’autres remaniées. La vraie bonne idée est d’avoir opté pour un fond noir qui change tout : les planches sont très valorisées, notamment quand elles comportent des tons rouges, renforçant la sensation d’enfermement et de fournaise. La seule réserve viserait le lettrage, trop policé.

Diaboliquement oppressant, Satanie offre une immersion infernale particulièrement séduisante.

Moyenne des chroniqueurs
7.8