Shangri-La 1. Shangri-La
D
ans un futur proche, les hommes ont rendu la terre invivable. Ils s’entassent dans une station spatiale sous le contrôle de la multinationale Tianzhu, à laquelle est voué un véritable culte et qui profite de son omnipotence pour faire de l’achat de ses produits un mode de vie. Dans cet espace réduit se retrouvent un adepte de la consommation, un groupe de rebelles en herbe et des scientifiques dont le rêve est de créer un être humain. Un mélange qui promet d’être explosif.
Mathieu Bablet, auteur notamment d’Adrastée dont l’intégrale est au même moment dans les bacs, livre ici un récit magistral. Entre la construction millimétrée des personnages et le scénario remarquablement mené, tous les éléments sont là pour se plonger avec délectation dans l’univers qu'il a imaginé. Sans réinventer la science-fiction, Shangri-La mélange intelligemment les différents thèmes chers au genre : manipulation génétique, peur de l’autre, paradoxe temporel, etc. Réussissant à faire un mix qui n'allait pas de soi entre Battlestar Galactica et l’Armée des Douze Singes, Bablet démontre son talent à composer une histoire prenante, bourrée de références - de l’iPhone au Nyan Cat - qui rendent la lecture et la relecture riches. Par certains aspects, ce monde futuriste est finalement extrêmement semblable à la société actuelle, et la critique d'un mode de vie consumériste aussi omniprésent qu'addictif se révèle d'une véritable férocité.
Pour sublimer le scénario, le format de l’édition mais aussi le découpage magnifient le dessin. Les grandes cases retranscrivent agréablement l’immensité du cosmos et la solitude du héros perdu au milieu de la masse. À noter : le travail particulièrement réussi de colorisation, qui à elle seule suffirait à donner le ton et l’atmosphère du récit. Alternant différentes monochromies dans la station et couleurs quasi éblouissantes lors des sorties dans l’espace, le dessinateur parvient à la fois à embellir ses planches et conférer une ambiance prenante à l’ensemble. Le trait et l’encrage ne sont pas en reste et proposent des visages expressifs ainsi que des décors aussi vertigineux qu'élaborés, témoignant d'un rare souci du détail.
Avec Shangri-La, Mathieu Bablet signe un magnifique album, prenant de bout en bout et dont le traitement et les graphismes font preuve d’un talent et d’une maturité étonnante.
8.4