La forêt des Renards Pendus La Forêt des Renards Pendus

D ’abord, il y a Raphaël. Bandit de son état, venu dans ce coin paumé de sa Finlande natale pour fuir le complice qu’il a floué, là-bas, à Stockholm. Et, accessoirement, pour y planquer son butin. Trente-six kilos d’or pur, tout de même. De quoi voir venir, certes, mais de quoi attiser quelques rancunes tenaces et quelques convoitises. Puis il y a Gabriel, major dans l’armée, qui aime un peu trop la bouteille, à qui on prescrit un congé sabbatique d’un an. Les deux vont se trouver, se compléter, et s’aménager un nid douillet dans un camp de bûcherons perdu au fin fond de la toundra. Enfin, s’en vient Naska. Une petite mémé au caractère bien trempé, refusant d’abandonner la Laponie de ses aïeux pour aller en maison de retraite. Elle aussi échouera dans ce refuge étonnant, recueillie et choyée par les deux gaillards. Ah, il y a des renards, également. Et un garde-chasse encore, ou d'accortes suédoises. Et même des touristes allemands…

Les éditions Futuropolis continuent donc d’explorer le catalogue Gallimard, en proposant cette adaptation du livre d'Arto Paasilinna, initialement paru en 1983. S’y retrouvent des thèmes chers au romancier, la fuite du quotidien, le retour à la nature, et s’y découvrent pareillement les ingrédients stylistiques caractérisant son écriture, ironie mordante, humour décalé, truculence… autant d’éléments parfaitement en phase avec l’univers picaresque de Dumontheuil. Le récit navigue entre une douce fantaisie un peu piquante et quelques péripéties bouffonnes liées à la condition de truand du héros, le fond de l’intrigue étant bien sûr l’affection croissante liant les membres de l’improbable trio. Le tout sur un ton entièrement assumé de joyeuse immoralité, car ici la luxure est délicate, la corruption est badine, le crime désinvolte.

Mais le personnage principal de cette histoire est peut-être bien la nature elle-même, cette Forêt des renards pendus, rude, désolée, profonde, emmitonnant tel un cocon protecteur les trois fugitifs dans leur exil nordique. Le dessinateur déploie un plaisir manifeste dans ces larges cases dépeignant une Laponie âpre et sauvage, ces paysages vierges évoluant au gré des saisons. Abandonnant pour l’occasion les couleurs flamboyantes qui caractérisent son œuvre, Nicolas Dumontheuil traite ce récit de manière monochrome, dans des tons bistres, adoucis en lavis d’un pinceau à la fois précis dans les détails et outré dans les expressions.

Fable dépaysante aux accents burlesques mêlés de tendresse, et parcourue d’un cynisme frivole défiant la morale coutumière, voici une agréable parenthèse pour égayer une froide soirée d’hiver.

Moyenne des chroniqueurs
7.0