Mon père était boxeur

« Cette histoire est le portrait d’une relation entre un père et sa fille.» Lui, c’est Hubert Pellerin, boxeur pendant ses jeunes années, puis reconverti en commercial pour une marque de spiritueux. Souvent absent, sujet à des accès de violence incontrôlables, il divorce et devient entraîneur à Rouen. Elle, c’est Barbara. Passé dix-huit ans et l’obligation de rendre visite à son paternel un weekend sur deux, elle s’éloigne peu à peu de lui pour s’en tenir à quelques coups de fil qui ne durent jamais très longtemps. Mais à trente ans, elle décide de prendre en main sa caméra et de lui rendre visite, prétextant un reportage sur l’univers de la boxe. Cette histoire est un portrait mais c’est aussi celle d’une rencontre.

La première rencontre fut celle de Barbara Pellerin et de Kris, en 2003. Lui était un jeune auteur, celui de Toussaint 66 et elle une fan de l’album, à la recherche d’une dédicace. De ce moment de partage naquit une amitié et surtout les prémices d’une collaboration sur Mon père était boxeur, le rôle du scénariste étant de faire le lien entre le documentaire d'auteur et la bande dessinée. Les deux media sont à la fois différents mais aussi complémentaires.

L’histoire commence par une fin, ou plutôt par des fins. Il y a tout d’abord celle de la carrière d’Hubert, qui raccroche les gants après avoir échoué pour la troisième fois en finale des championnats de France. Puis son décès, en 2012, soit quelques mois après le tournage réalisé par sa fille. Ces deux événements rapidement expédiés, le récit peut se tourner vers la vie, celle que deux êtres n’ont finalement pas vécue ensemble, sinon à travers quelques rares moments de partage et de joie, trop souvent obscurcis par une brutalité latente. « Comment montrer sans exhiber ? » À cette question, Barbara Pellerin répond par la pudeur et l’absence de jugement. En restant factuelle, elle laisse au lecteur le soin de se faire son propre avis, de puiser dans ses propres expériences pour faire resurgir ici et là son propre lot d’émotions.

De Kris à Vincent Bailly, il n’y avait qu’un pas que ces deux-là avaient déjà franchi sur Coupures Irlandaises ou sur Un Sac de Billes. Il est difficile de ne pas évoquer Baru et l’Enragé lors des quelques rares scènes de combats : visages taillés au couteau, énergie foisonnante, jaillissement des couleurs. Mais le dessinateur impose sa propre patte, notamment dans les yeux terriblement expressifs d’Hubert dans ses moments de colère ou ceux de Barbara dans lesquels se lisent souvent la peur et l’incompréhension.

Difficile non plus de ne pas mentionner le DVD, fourni avec l’album. L’image associée au son apporte l’authenticité et la retenue qui passent par un regard qui s’échappe ou une voix hésitante qui peine à prononcer les mots justes. Le tout forme un ouvrage touchant et poignant, bref, un indispensable.

Moyenne des chroniqueurs
8.3