Jérôme K. Jérôme Bloche 25. Aïna

T ous les lecteurs de la série le savent, une enquête de Jérôme est toujours nébuleuse et contient moultes péripéties. Aïna, une jeune fille ne tolérant plus la vie qu'elle mène auprès de ses "maîtres", profite d'une sortie en voiture pour s'échapper. Elle trouve refuge dans l'église d'un ami du détective, Arthur, ex-boxeur, qui prendre sa défense. La situation s'envenime assez vite pour la femme et les alliés de J.K.J Bloche ; celui-ci décide de trouver des réponses à cette histoire.

Alain Dodier raconte les aventures de son personnage fétiche depuis maintenant une trentaine d'années et après tout ce temps, la formule fonctionne toujours. La maladresse de l'homme au chapeau et son courage l'ont rendu facilement attachant. Les recherches du détective vont le mener à faire la rencontre d'une culture différente, celle du Mozambique, mais aussi à côtoyer des êtres particulièrement inhumains, considérant la vie simplement comme un produit. Jérôme, comme à son habitude, ne se démoralise pas. Bien que trop malade pour mener une enquête, il utilise ses talents, comme ceux de ses amis. Être une femme n'aura jamais été aussi utile dans cette aventure de ce type. Le personnage éponyme n'est pas le seul héros, Arthur n'est pas en reste et donne beaucoup de lui-même pour venir en aide à sa protégée, l'homme d'église se fera tout aussi brave que son ami pour l'aider.

L'auteur centre le périple autour de deux sujets principaux, celles de l’eugénisme et de l'esclavagisme moderne. Bien que le preux chevalier soit en apparence rétro, il est ancré dans le monde moderne et le Dunkerquois exploite habilement les thématiques effrayantes, donnant plus d'épaisseur à son intrigue. Il n'en oublie pas pour autant de doter son intrigue de plusieurs moments légers, usant de quiproquos et d'incompréhensions, notamment dans les dialogues, tels que l'échange entre le curé et le détective au sujet d'une grossesse inattendue. Particularité de cette aventure, Aïna et Pacifico s’expriment à plusieurs reprises en swahili, donnant un peu plus d'épaisseur au mystère pour ceux ne parlant pas la langue. Le scénariste joue beaucoup sur la gestuelle, mais aussi sur les dialogues périphériques, pour faire comprendre au lecteur la situation, mais aussi pour le mener en bateau.

Le dessin demeure remarquable, les visages sont expressifs, les gestes précis et transmettent ce qu'il faut d'émotions. L'univers qu'il dépeint est réaliste, à la limite du old-school. Il y a ce décalage temporel, du moins dans le ressenti, qui continue de faire ses preuves.

Alain Dodier excelle dans l'art de raconter des histoires qui se tiennent du début à la fin, gratifiant son récit d'une révélation surprenante. Par ce biais, il souligne toute la monstruosité de la société moderne et de l'aseptisation forcenée, de cette recherche maladive du "parfait", heureusement contrebalancée, ici, par une fin pouvant donner le sourire.

Moyenne des chroniqueurs
6.7