Hello Viviane

D errière le sourire angélique de Viviane se cachent quelques secrets qui assombrissent son avenir. La jeune femme, d’origine chinoise, gagne sa vie comme traductrice. Désormais domiciliée à Colomiers, près de Toulouse, après avoir vécu à Paris, elle a pris ses habitudes dans un bar près de chez elle dans lequel travaillent Nicolas et « Chauve » le cuisinier. Chaque personne qui croise la route de Viviane a un besoin irrépressible de la protéger de ses vieux démons dont personne pourtant ne connaît l’origine. Mais la carapace qu’elle porte comme un fardeau l’empêche d’être réceptive aux sentiments de certains, qui vont bien au-delà de la simple amitié.

Découvert en 2012 avec La Balade de Yaya aux éditions Fei, Golo Zhao a su toucher un large public par sa capacité à aborder un sujet grave, l’exode de milliers de chinois en 1937 conséquence de la guerre contre le Japon, avec un ton léger et poétique. Il a également construit un pont entre manga et franco-belge, ce qu’Emmanuel Lepage rappelle volontiers dans la préface d’Hello Viviane. Avec ce nouveau roman graphique, qualifié de conte moderne, l’auteur chinois déroule avec les mêmes ingrédients une histoire cette fois contemporaine. La banalité du sujet qu’il serait - trop - facile de résumer par « les conséquences d’un chagrin d’amour » pourrait rebuter certain, à tort.

À la manière d’Alfred Hitchcock, Golo Zhao s’invite dans son album, non pas comme témoin mais comme spectateur du récit qu’il délivre. Ce n'est pas la seule astuce narrative qu’il emploie pour susciter l’intérêt. Ses personnages sont vivants, entiers mais aussi mystérieux et tourmentés comme Viviane, tendres et naïfs comme Nicolas ou ambigus comme Lou. Le rapport à la nature, dans la même veine que Miyazaki est omniprésent, comme la poésie qu’il s’en dégage.

Douceur du trait, couleurs à l’avenant, le travail graphique est remarquable : Viviane est à la fois sensuelle, fragile, gaie et triste. Pour une histoire dont l’essentiel passe par l’expressivité des visages, c’est gagné. Quelques croquis et esquisses sont disséminés dans l’album juste avant les pleines pages introduisant chaque chapitre, au nombre de neuf.

Chaque piège, dont celui de la mièvrerie, est évité et ce n’est pas la conclusion, inattendue mais finalement très juste, qui viendra ternir un plaisir de lecture permanent. Remarquable.

Moyenne des chroniqueurs
8.0