Rio (Rouge/Garcia) 1. Dieu pour tous

I l ne fait pas bon vivre dans les favelas de Rio. Drogue, prostitution et misère sont le quotidien des habitants dont le seul but est de survivre. La mère de Rubens et Nina vient d’être assassinée par un flic véreux à qui elle donnait quelques renseignements et faveurs sexuelles en échange d’une poignée de billets pour acheter sa dope. Les deux gamins sont désormais livrés à eux-mêmes et ne peuvent compter que sur leur courage pour essayer de ne pas crever de faim : faire la manche, arnaquer les touristes pour une bouchée de pain et intégrer un groupe de petites frappes dont la seule loi est celle du plus fort.

Le titre de cette nouvelle série est sans doute trompeur. Rio a cette image tenace de paradis terrestre où le soleil et les plages attirent des hordes de vacanciers. Louise Garcia est née au Brésil et a choisi d’évoquer, avec Corentin Rouge, un tout autre aspect de cette ville, très loin des clichés festifs liés, entre autres, au carnaval. L’angle choisi par les deux auteurs est celui des inégalités, de la pauvreté et de la corruption vues à travers les yeux d’une gamine dont la naïveté lui permet de résister et de ceux de son frère dont l’innocence part petit à petit en fumée.

L’ombre de Cuervos, du moins son premier tome, plane au-dessus de « Dieu pour tous ». Certes, le lieu n’est pas le même, mais la Colombie ne fait-elle pas partie du même continent ? Certes, la drogue n’est pas aussi présente, mais la violence, et ce, dès les premières planches, prend aux tripes. Aucune concession n’est faite dans la façon d’aborder le sujet, ce qui le rend, malheureusement, terriblement authentique. Seule l’image du couple américain, beau, riche et - faussement ? - philanthrope a des allures de description un brin caricaturale. Mais l’essentiel n’est pas là : le destin de ces deux enfants de la rue interpelle et séduit jusqu’à la dernière page. Le dessin de Corentin Rouge, qui a déjà goûté aux ambiances chaudes dans Juarez, accompagne le récit dans un registre très réaliste.

Série prévue en quatre tomes - comme Cuervos, décidément -, Rio réussit son entrée en matière, d’autant que le cliffhanger laisse présager une nouvelle orientation plutôt inattendue.

Moyenne des chroniqueurs
7.3