Une vie avec Alexandra David-Néel 1. Livre 1

1959. Peu brillante et complexée, Marie-Madeleine s'est portée volontaire pour travailler à domicile chez une extravagante nonagénaire. Elle découvre que cette vieille dame au caractère abominable et aux manies étranges est la plus grande exploratrice du XXe siècle.

En 1911, Alexandra David-Neel rompt avec les responsabilités de bonne épouse bourgeoise en extorquant à son mari l'autorisation de partir seule quelques mois en Inde ; elle ne reviendra que quatorze ans plus tard, après un éprouvant et extraordinaire périple pédestre et spirituel dans l'Himalaya. Bouddhiste convaincue et lettrée exceptionnelle, elle devient à force d'épreuves, de lectures et de contrition, une femme Lama respectée, ainsi que la première occidentale à pénétrer l'enceinte interdite de Lhassa.

Par ses articles, traductions et romans, Elle a contribué à faire découvrir la culture et la religion tibétaine en Europe. Une vie avec Alexandra David-Neel n'est pas consacrée aux aventures de cette voyageuse hors norme. Celles-ci n'apparaissent qu'en filigrane, par le biais de quelques instants bien choisis, comme lorsqu'en plein hiver, en méditant nue dans la neige, Alexandra doit faire sécher des couvertures trempées dans la rivière. Le récit se concentre sur la fin de de vie de la vieille femme irascible, à travers le regard à la fois tendre et critique de sa jeune secrétaire particulière. L'idée est originale, mais devrait se cantonner au stade de ce premier tome d'un diptyque. Vouloir privilégier les scènes du présent, plus que celles du passé, crée un déséquilibre et revient à dresser un inventaire avant décès, lorsqu'on ouvre des malles et que l'on découvre des trésors empreints de beaux souvenirs. Et pourtant l'émotion est là, face à la nostalgie de la grande époque. Mais, à l'instar de l'enfant qui découvre un tas de vieille photos, la lecture s'avère frustrante tant on a envie de mettre une histoire sur ces belles images, de creuser plus loin pour découvrir un monde perdu, une spiritualité complexe, un exotisme qui n'existe plus.

Aux pinceaux, Mathieu Blanchot livre une prestation convaincante dans un style classique qui fait part à un sobre réalisme. Les deux époques sont franchement marquées par une colorisation inhabituelle. Par la norme habituellement réservée aux flash-back, le sépia scande l'époque la plus récente, perçue comme la plus fade. Les couleurs vives, vivantes, sont réservées aux séquences souvenirs, comme pour mieux hiérarchiser les faits et rendre la saveur et l'excitation des grands espaces himalayens.

Si l'objectif de ce volume est de donner envie de découvrir la vie et les textes d'Alexandra David-Neel, le pari est parfaitement gagné. Cependant, ce survol risque de s'avérer limité pour peu que le second tome continue à donner la part belle aux séquences de fin de vie.

Moyenne des chroniqueurs
7.0