Love story à l'iranienne

G ila et Mila se fréquentent depuis 8 ans et, avec l'accord de la famille de la jeune femme, ils vont pouvoir s'unir. Étudiant rebelle, Wahid a été arrêté et torturé, et il s'attend à être viré à tout moment de l'université. Zeinab est une reine, elle a des relations sexuelles avec son petit ami dès qu'elle le peut et passe son temps à acheter des tests de grossesse. Elle trouve sa vie extraordinaire et sait que son homme se pliera en quatre pour l'épouser et pour l'entretenir. Pourquoi envier les Occidentales alors qu'on peut rester à la maison et laisser le mari tout faire ? Asheb et Nima projettent eux aussi de convoler, mais ils se sont si peu fréquentés qu'ils s'aperçoivent qu'ils ont une conception radicalement opposée de la vie...

Comment vit-on en Iran lorsqu'on a l'âge de se marier ? Journaliste, Jane Deuxard a obtenu la confiance et le témoignage de nombreux jeunes gens, des plus poignants aux plus décalés. Le régime traque les relations hommes-femmes illégales, tout contact entre non-membres du même sang conduit à une arrestation musclée, test de virginité, bastonnade et mariage forcé si l'hymen est rompu. Le rituel des fiançailles vire au vaudeville, puisque les familles préféreront un candidat inconnu plutôt que du goût de leurs filles. Les amoureux sont ainsi contraints à inventer tout un tas de stratagèmes pour arriver à ce stade. Et parfois, souvent, après tant d'efforts et d’énergie, ils finissent par se rendre compte que leur couple à peine officialisé est incompatible. La comparaison avec Persépolis est inévitable, puisque c'était un sujet abordé. Le bilan est triste : rien ne semble avoir évolué par rapport aux années 80-90 décrites par Marjane Satrapi. Malgré l'aspect tragi-comique que certains donnent à l'absurdité de leur situation, la sensation d'étouffement, d'emprisonnement et d'impuissance est prégnant tout au long de la lecture. Il y a un seul moment où une bouffée d'oxygène arrive, lorsque Zeinab parle. Mutine, flamboyante, elle transcende sa vie en renversant totalement les clichés, faisant de la femme iranienne une souveraine et reléguant les Occidentales au rang d'esclaves sottes. C'est peut-être une des clés du maintien de ce régime totalitaire absurde, le fait que certains, peut-être même une majorité plus ou moins silencieuse, y trouve son bonheur, consciemment ou inconsciemment. Il y a un côté paradoxalement épicé et excitant au frisson du risque et des interdits.

Love story à l'iranienne, un panorama complet et contrasté sur l'ingérence d'un Big Brother dans ce qu'un homme et une femme ont de plus intime.

Moyenne des chroniqueurs
7.0