Zaï zaï zaï zaï

L à-haut sur la colline, assis dans l’herbe, un homme communie avec la nature, son ami le lapin et son ami Bambi.

Partant de rien, Fabcaro narre une fiction autour du pacte républicain rompu : un homme passe en caisse pour payer ses courses sans sa carte de fidélité sur lui : sacrilège ! Pris la main dans le sac, il s’enfuit un poireau à la main. « Hasta la revolucion siempre. »

Partant d’un fait divers plus grotesque qu’absurde, Fabcaro met les deux pieds dans les mécanismes de l’emballement médiatique et, de fait, national, qui peuvent résulter de pareil outrage au vivre-ensemble. Et tout le monde d’en prendre pour son grade.

Son récit tire sa force de ce qu’il a d’imprévisible et de prévisible. Imprévisible, parce que l’auteur opère de violentes cassures d’une case à l’autre, passant sans crier gare de l’étalage de la bêtise dans ce qu’elle a de plus commun et de plus affligeant à de stupéfiantes pirouettes (ou roulades arrière) vers des territoires que toute tête bien faite ne saurait concevoir. Le tout sans avoir l’air d’y toucher, avec un dessin globalement assez figé, c’est-à-dire ne préparant nullement l’esprit à ces incongruités. Prévisible, parce qu’autour de ce sujet, il n’en loupe pas une, tant et si bien que c’en est sidérant, accablant. CUMP (pour cellule d’urgence médico-psychologique), journalistes qui n’ont rien à dire, micro-trottoir qui font dire ce qu’ils veulent faire entendre, experts en tout genre qui prennent la pose qui s’impose, Assemblée nationale le petit doigt sur la couture… rien n’est épargné, pas même les parents perdus, ne sachant pas trouver les bons mots, et leurs ados idéalistes (car, c’est bien connu, la génération Z n’est pas celle, désenchantée, que l’on veut bien nous décrire) sachant, eux, trouver les bons mots et joindre le geste à la parole. Et Fabcaro de taper à nos portes et de présenter quelques belles séquences de pornographie contemporaine : soudainement, le laser de sa ligne de mire vient gentiment se poser sur soi, car, si je ne suis pas le facho de l’autre, je suis son bobo, et réciproquement, bien évidemment.

Au-delà, ce qui est bon, le tour de force de l’auteur, c’est que son bouquin fait en soi partie intégrante des processus qui se mettent en branle à la moindre surchauffe des salles de rédaction, à savoir une dénonciation bon ton de toute cette surenchère. Cette autodérision est sans nul doute une des qualités du livre, et non des moindres. Ainsi, au passage, il s’offre quelques menus plaisirs sur le microcosme de la bande dessinée, attention qui ne manquera pas de toucher - dans tous les sens du terme - les vrais amateurs !

Et de conclure, tel un grand philosophe : « Vous savez quoi ? Je crois qu’on se complique trop la vie… Tout ça est une grande farce tragique… En fait rien n’est sérieux… ».