Les équinoxes

C es équinoxes sont avant tout un très beau livre, d’un dessinateur qui se fait plaisir. D’une saison à l’autre, il varie le style, joue avec le trait et les couleurs pour composer des ambiances qui se différencient mais continuent à former un ensemble cohérent. Invariablement, il se dégage de ces planches contrastées une impression de douceur, d’intimité qui s’accorde à merveille avec une histoire qui repose sur les sentiments humains. L’incursion de textes en pleine page et d’images totalement muettes apporte aussi une respiration bienvenue, sans toutefois briser le rythme d’un récit à la construction régulière, maîtrisée.

Bref, formellement, l’album a été pensé et exécuté avec une grande minutie, pour un résultat qui ne dépareille pas dans la bibliographie de l’auteur. Cyril Pedrosa, depuis qu’il œuvre en solo, s’est effectivement toujours efforcé d’instiller une grande et belle humanité dans ses histoires, plaçant l’homme et la femme au cœur de son propos.

Dans le cas présent, il en ressort pourtant comme une frustration, celle de ne pas très bien voir où l’auteur a voulu en venir. À force de jouer sur la corde sensible, il est parfois à deux doigts de tomber dans le mièvre, principalement dans ses longs textes qui, bien écrits, n’en sont pas moins caricaturaux par endroits. De même, le fait de passer sans cesse d’un personnage à l’autre est déroutant. Non pas que le procédé en soi puisse être contesté, mais il met en exergue le peu d’attachement ressenti pour des acteurs qui ne sont pas toujours totalement habités par leur rôle.

Au final, le principal reproche qui pourra être adressé aux équinoxes de Pedrosa est leur manque de substance. Un comble pour un livre si volumineux. Il est vrai que tout est en suggestion, avec des résonances qui s’installent habilement d’un bout à l’autre, mais il aurait sûrement fallu des personnages mieux approfondis pour s’en faire l’écho.