California dreamin'

P remière née d'une famille d'épiciers juifs, la petite Ellen se nourrit des airs d'opéra que son père aime lui faire entendre. À cinq ans, elle cesse d'être enfant unique et décide enfin de faire plaisir à ses parents en finissant son assiette. Devenue énorme, la jeune femme détonne dans ces années 60 qui définissent la maigreur comme critère de beauté. Étudiante, Ellen compense la lourdeur de son corps par l'agilité de sa langue, insolente lorsqu'il s'agit de répliquer, divine lorsqu'il s'agit de chanter. Sa conviction est faite, elle arrête ses études pour se mettre à la chanson.

Après Cadavre exquis, Pénélope Bagieu poursuit son évolution en tant qu'auteure et s'éloigner de l'univers léger et girly qui a assis sa notoriété dans un premier temps pour s'attaquer à la biographie d'Ellen Cohen. De son nom de scène Cass Elliott, dite aussi Mama Cass, elle satura les radios des sixties avant de mourir prématurément d'une crise cardiaque. California Dreamin' s’intéresse surtout à la genèse de cette diva hors norme, de sa petite enfance où naquit sa vocation, jusqu'à la célébrité acquise par le tube éponyme. Interprète de talent - "elle chante au dièse près" - Cass Elliot, malgré sa grande gueule, a le cœur fragile, au sens propre comme au figuré. Dépendante affective (et aux drogues), elle enfile les masques de l'outrance et s'emploie à déployer des stratégies de Sécotine pour s'incruster au sein des Journeymen afin de coller Dennis, leur chanteur. Elle est "trop" tout. Ce comportement excessif et quasi-maladif va la conduire à former le groupe à succès The Mamas & the Papas, contre l'avis du compositeur (qui ne veut qu'un groupe de gravures de mode).

Le dessin, tout au crayon gras, est assez méconnaissable : plus âpre, plus mature. L'aspect brute, limite brouillon, qui peut rebuter au premier abord, révèle une très belle expressivité des visages. Quelques traits et c'est toute une vague de pensées, de sentiments qui est transmise. Fort et fragile à la fois, tourmenté et confus, le crayonné est à l'image de son héroïne.

Un roman graphique expressif et prenant, un bel hommage à une artiste très vite disparue.

Moyenne des chroniqueurs
7.0