Bone (Smith, chez Delcourt, en noir et blanc) 11. La couronne d'aiguilles
E
t voilà. L'une des plus grandes sagas Fantasy jamais créées en bandes dessinées prend fin avec La couronne d'aiguilles, tome 11 des aventures de Fone Bone et de ses cousins. Et ce n'est pas sans une certaine tristesse que l'on quitte le monde fantastique de Jeff Smith.
Bone impressionne. Par sa taille d'abord : créée en 1991, la série compte au final plus de 1300 planches entièrement réalisées par Jeff Smith, auxquelles s'ajoutent deux hors séries en collaboration, l'un narrant les exploits d'un aïeul des Bone, l'autre retraçant l'histoire de la jeunesse de la princesse Rose.
Mais c'est surtout la grande qualité de l'ensemble et la constance de l'auteur qui forcent l'admiration. Bien sûr, comme tout récit, Bone connaît des temps forts et d'autres plus anecdotiques. Mais même dans ces moments la sauce prend, grâce à un humour tantôt subtil, tantôt grotesque et délirant d'une part, et à des personnages profondément sympathiques sans pour autant être mièvres d'autre part. De Fone Bone, l'archétype du gentil héros pas très dégourdi mais au coeur d'or, à Phoney Bone, hommage non dissimulé au Picsou de Carl Barks, en passant par Mamie Ben et son goût pour les courses de vaches, chacun de ces personnages est un savant et réussi mélange entre caricature et profondeur. Même Smiley Bone, qui joue la plupart du temps le rôle de l'idiot du village, est souvent celui qui prononce les paroles les plus sensées au bon moment.
Caricature et réalisme se mêlent aussi avec bonheur dans le trait de l'auteur. Rond ou anguleux, usant ou non d'aplats noirs, son dessin s'adapte remarquablement bien au ton et à la situation qu'il décrit. Capable de croquer aussi bien une course dantesque de vaches qu'une bataille épique digne du Seigneur des Anneaux, un passage humoristique qu'un autre d'une grande tristesse. Jeff Smith est un artiste complet et doué.
Les deux références principales de Bone sont lâchées. Les personnages de Disney ont beaucoup influencé l'auteur pour les cousins Bone et les animaux de la forêt. Le cas de Phoney Bone a été évoqué plus haut, Smiley, lui se rapproche de Dingo par bien des côtés, et Fone Bone lorgne évidemment du côté de Mickey Mouse.
Les clins d'oeil au Seigneur des Anneaux sont nombreux. Ainsi, l'entrée de Phoney Bone au Barrelhaven dans le tome 1 ressemble à s'y méprendre à celle des Hobbits dans la taverne de Bree. Un certain parallèle entre les Hobbits et les Bone est d'ailleurs présent dans l'oeuvre de Jeff Smith. Tout le talent de l'auteur consiste à mêler harmonieusement ces deux influences pour en faire une histoire personnelle et inimitable.
Et c'est ce que parvient à faire Jeff Smith avec Bone : une belle histoire racontée par un très grand conteur.
8.6