Nefer Chants & contes des premières…
L
es Anciens se meurent. Êtres-Totems d’argile, ultimes dépositaires de connaissances plusieurs fois millénaires, ces géants fragiles quittent leur vallée secrète pour rejoindre la Montagne Sacrée et y sauvegarder leurs savoirs accumulés. Peu après leur départ, séparé du reste de la communauté, Tour du Septentrion recueille Nefer, jeune princesse fuyant la barbarie de son époux le roi Tsanghir. Ensemble, ils entreprendront le périlleux voyage devant les mener à travers tout un continent vers leur destination fabuleuse. Peuples oubliés, cités caravanières, paysages hostiles, esprits malveillants, aides inespérées, les rencontres de fortune se succèdent jusqu’à la confrontation finale…
Brassant les mythes de tous horizons, tenant du conte africain et des légendes inuites, évoquant golems ashkénazes et pratiques shamaniques, ces Chants & contes des premières terres auraient pu tourner au gloubi-boulga peu digeste. Fort heureusement, ces emprunts sont suffisamment subtils pour ne pas être envahissants, et restent assez universels pour créer la sensation d’un monde original et cohérent. C’est même la grande réussite de l’ouvrage, rendu possible par la forte pagination, que de donner naissance à cet univers singulier aux peuplades multiples et à la géographie tourmentée. Autre passage obligé du récit initiatique, les liens créés peu à peu entre l’héroïne juvénile et son mentor de rencontre. Là aussi, l’évolution de leur relation est menée délicatement, entre ironie légère et affection touchante, avec toujours la perception sous-jacente d’un destin inéluctable. Non, la seule carence véritable du scénario vient d’une fin un peu abrupte, d’une résolution trop simple et joliette là où un soupçon de profondeur tragique aurait permis de marquer plus durablement l’esprit du lecteur.
Se démarquant nettement de son précédent opus – Entre les ombres, curieux récit contemplatif post-apocalyptique – Arnaud Boutle adopte ici un trait plus fin, précis, un peu raide, privilégiant la dimension esthétique, pour ne pas dire ornementale, au détriment du mouvement et de la sensibilité. Mais ce que le graphisme pourrait avoir de froid est grandement compensé par une mise en couleur sensuelle d’une belle richesse. Une approche stylistique bien adaptée au genre, malgré quelques faiblesses techniques, pour un conte initiatique pas si habituel qui séduira assurément - mais pas exclusivement - le lectorat adolescent.
6.0