Matsumoto
20 mars 1995. Un attentat au gaz sarin est commis dans le métro de Tokyo. Le bilan final fait état d’une douzaine de morts et de près de 6.000 personnes atteintes. L’acte est attribué à la secte Aum qui l’a élaboré pendant de longs mois, avant de pratiquer un test « grande nature » dans la ville de Matsumoto. C’est essentiellement cette préparation que livrent LF. Bollée et Ph.Nicloux.
Si le récit s’écoule de manière chronologique, les auteurs de Terra Australis évitent de le rendre trop linéaire en se focalisant, par alternance, sur des thèmes variés. Il y a en premier lieu la mécanique méthodique allant jusqu’à la répétition précédant l'attaque de la mégalopole, manœuvre qui permet de toucher un juge représentant une menace pour l’organisation prônant l'Apocalypse. Les pratiques d’endoctrinement de la Vérité Suprême, piège à esprits affaiblis, pressés par un colossal gourou, pervers narcissique et cupide, sont bien entendu abordées. L’opportunisme de son bras armé, apprenti-sorcier frétillant de plaisir d’avoir les moyens de jouer au funeste laborantin, est décrit avec une sobriété nécessaire.
L’isolement de ceux qui tentent de dénoncer un danger au milieu des incrédules représentant le sommet des institutions constitue un autre sujet illustré par différents protagonistes. La position est aussi simple que rigide : cela ne peut arriver et si c’est arrivé une fois, cela ne pourra se reproduire. Enfin, les auteurs rappellent que derrière chaque victime, il y a une vie, un rôle social, un entourage. Là également, point d’effets dramatiques superflus (exception faite du sort du jeune DJ). L'introduction d'une telle touche d'humanité constitue une demi-réussite, la forme de l'exposé n'évitant pas la persistance d'une certaine distance entre le spectateur, les acteurs et les actes.
Le séquençage choisi pourra déconcerter ceux qui préfèrent une intrigue exposée plus classiquement, mais il a au contraire le mérite de ne pas jouer la carte de la montée en tension crescendo alors que le propos est ailleurs et l’issue connue. En revanche, la question restera posée quant à la dernière partie : était-elle nécessaire ? fallait-il concéder une touche à la limite du grand spectacle ? la rudesse de la chute sert-elle ce qui précédait ? Elle aurait fait un bonus idéal de type fin alternative sur un DVD.
Ni reportage, ni thriller, Matsumoto montre la mécanique qui précède l’acte lâche par excellence. Il pointe, sans avoir besoin d’exagérer le trait, la personnalité de ses instigateurs et rappelle combien la foule est vulnérable. Le ton est avant tout factuel et évite de jouer sur la corde du mélodrame comme du sensationnel. Il en résulte un retour louable, plus froid que glacial, sur un événement récent.
6.3