Comment faire fortune en juin 40

J uin 1940. L’invasion allemande étant inéluctable, les réserves d’or nationales ont été mises à l’abri au Canada et dans les colonies. Pas tout à fait tout le stock, puisqu’il en reste deux tonnes dans les sous-sols de la Banque de France. Il faut d’urgence affréter un convoi pour amener les lingots loin de Paris. La route vers Bordeaux risque d’être mouvementée, car les Allemands et les truands appâtés par l’aubaine entendent mettre la main sur le magot.

Libre adaptation d’un roman de Pierre Siniac, Comment faire fortune en juin 40 a toute la saveur de la combinaison polar-film de guerre à la sauce française comme il en fleurissait dans les années 60-70. L’objectif initial des auteurs est donc pleinement atteint. La trame est naturellement classique : réunion de l’équipe de braqueurs (un boxer sans carrière, un Corse du Milieu, un ancien de la Wehrmacht et une jolie novice douée pour les travaux de précision) qui sont lancés dans un parcours type road movie parsemé de coups d’éclat et de théâtre, accompagnés de pétarades à foison. L’opposition entre fonctionnaires aussi rigides que zélés et petites frappes aussi typées que débrouillardes caresse aussi l’esprit franchouillard qui se réjouit à l’idée de se mettre du côté des sympathiques hors-la-loi. Avec Il était une fois en France, Fabien Nury avait déjà abordé la manière de tirer profit d’une période trouble et refoulé le manichéisme appliqué à ses personnages pour les… enrichir. Compte tenu du format du récit, les protagonistes n’ont pas l’épaisseur de ceux de la saga précédente et, sans que leur opportunisme ne subisse jamais l’ombre de leur patriotisme très relatif, la façon dont la débâcle ambiante finit par les toucher a une saveur particulière.

Le rythme ne fait pas défaut, même si un brin de lassitude peut se faire sentir (sur la durée, le lecteur rebondit parfois moins promptement que l’action), la mise en images et en couleurs a du punch (intéressant parti pris en matière de cadre pour les scènes de jour ou de nuit, festival de plongées/contre-plongées, sans négliger le plaisir d’une jolie planche page 103). Il y a même de quoi râler, c’est dire ! (Le caractère pénible de la lecture de l’accent « chleuh », la réquisition à Bar le Saunier qu’on imagine plus sortie d’une bobine d’Oury que de Verneuil).

Le métier du trio d’auteurs aux commandes de Comment faire fortune en juin 40 ne fait plus de doute depuis longtemps et leur album a le mérite de ne pas faire regretter l’abandon du projet d'adaptation du script pour le grand écran.

Moyenne des chroniqueurs
6.7