Sept 15. Sept nains
L
es bouffons de la Cour ont commis le dérapage verbal de trop. Seule à ne pas rire du bon mot, la Reine exige une sentence radicale pour laver le crime de lèse-majesté. Voici donc les nains condamnés. Le sort de Blanche, dont la beauté naissante risque de faire de l’ombre à la splendeur de sa marâtre de belle-mère couronnée, n’est pas plus enviable…
Le plaisir de détourner un conte ou une légende, à en dynamiter les codes ou à malmener leurs personnages demeure un exercice classique. Indéfectiblement associés au chiffre le plus symbolique qui soit dans la pensée collective, voici donc les nains et leurs comparses remodelés par Wilfrid Lupano à l’occasion d’une nouvelle volée de titres de la série-concept Sept de Delcourt. L’histoire originelle doit sans doute être connue de tous, et en tout cas chacun conserve à l’esprit des bribes au moins d’une de ses innombrables adaptations. C’est la raison pour laquelle, sans même s'arrêter à la qualité de la parodie offerte ici, la curiosité poussant à voir jusqu’où est allé le détournement guidera la lecture jusqu’à son terme.
Il n’y a pas grand monde à sauver dans ce royaume où la douceur de vivre et les ambiances pastelles ne sont pas de rigueur. La Reine n’a pas le monopole de la méchanceté ni des coups tordus. Les arrière-pensées libidineuses sont également monnaie courante et il y a plus d’une touche d’acidité dans les comportements. Alors une fois joué le jeu des… sept différences avec le modèle, que retenir ? Quelques idées intéressantes (l’identité et l’élocution de la « voix » du miroir magique, la technique pour s’enlaidir et se transformer en sorcière), un coup de griffe réjouissant à l’univers disneyen (Blanche et les oiseaux dans la scène du ménage), la charge contre le sexisme et l’esprit de revanche qui l’accompagne.
D’autres éléments sont plus convenus (l’innocence mal récompensée) ou un peu longuement exposés (la progression dans les galeries du château). Soucieuse d’éviter tout l’aspect lisse et mièvre souvent de rigueur, la mise en image privilégie le côté rugueux du contexte comme des protagonistes, grandement expressifs, pour une adéquation convaincante avec le propos. La colorisation ne manque pas non plus de vigueur et concourt à camper un environnement ordinaire plutôt que féérique.
Acide sans être traumatisante, maline sans être ébouriffante, cette relecture de l’univers des sept nains (et de Blanche-Neige qui laisse au final une empreinte plus marquante que le petit groupe) a les qualité de l’auberge espagnole : selon son appétence pour le genre parodique, le degré de satisfaction sera plus ou moins élevé, indépendamment de la qualité d’exécution dont ont fait preuve les auteurs.
6.0