Carnet de santé foireuse

« Enfin ! Un mot est posé sur mes maux. » Après de longues années où la souffrance faisait partie de sa vie, l’identification de sa cause est perçue comme une première étape ; synonyme d’un espoir de guérison ? Il reste quelques épreuves à subir - en nombre incertain - et encore, l’issue n’est pas garantie. Et s’ils ont mis un mot pour énoncer un diagnostic, lui mettra des dessins en plus pour illustrer son vécu…

Le dessinateur du remarqué Monkey bizness (deux tomes chez Ankama) publie avec ce Carnet de santé foireuse le récit et l’imagerie de sa douleur découlant de la maladie de Crohn. Le sujet est grave, l’ambiance jamais mortifère ; le bouquin est épais et, pourtant, la lecture facile. Pozla met toute la distance nécessaire pour éviter l’apitoiement sur soi (en plus, c’est contagieux cette saloperie, ça se lit dans les regards) et, quelques années plus tard, pour ne pas transformer le spectateur en voyeur compatissant. La variété, la créativité de son dessin, va bien au-delà du style « crobard jeté sur un coin de calepin » : du Shelton / Druillet / Masse / Franquin-idées-noires. Comment ça, n’importe quoi ? Pas plus (ni moins) qu’une maladie des boyaux ou qu’une série d’erreurs médicales. L’absence de construction rigide permet de mieux exposer ce qui relève du ressenti, de la permanence et d’éviter l’effet de répétition, écueil à craindre dans un tel exercice. Dessine-moi la douleur insidieuse, lancinante, le sentiment de l’état permanent.

L’authenticité et la qualité du livre découle peut-être du fait que cette somme d’anecdotes n’a pas été conçue avec la finalité d’être publiée, mais plutôt comme un exutoire. Même si la dernière partie est d’un intérêt un peu inférieur (scènes oniriques bien conçues et faisant partie de l’expérience mais paraissent relativement décalée par exemple), ce carnet permettra également aux patients qui n’ont pas une once du talent graphique de Pozla de revivre certaines séquences d’un réalisme évident (le pré- et le post-opératoire notamment). Les autres, inconscients, pourront aller jusqu’à passer un bon moment. Un comble…

Moyenne des chroniqueurs
8.0