Mourir (ça n'existe pas)
O
n va tous crever ! C’est le sempiternel leitmotiv de Maria, la très légèrement perturbée, angoissée, tourmentée, mère de Yann. À défaut d’excuser son comportement acerbe et délétère, un lointain traumatisme – l’assassinat, sous ses yeux d’enfant, de sa famille, par de quelconques miliciens – est la cause de cette névrose. Coincé entre un père pusillanime et cette femme morbidement nocive, le jeune garçon développe des comportements compulsifs auto-protecteurs et s’invente de trépidantes aventures en compagnie de son trio d’amis imaginaires, le Gros, Michel, et le Chien. Devenu adulte, la mort accidentelle de ses parents va bien révéler le tempérament artistique de Yann, mais ses démons intérieurs le rattraperont vite…
Comme une catharsis de ses propres tourments, Théa Rojzman revient inlassablement dans son œuvre sur la blessure émotionnelle des survivants d’un drame, sur la transmission intergénérationnelle de celle-ci, sur la difficulté de construire son identité autour d’un tel souvenir. Dans le cas présent, c’est pourtant l’enfant enfoui au fond de son être, cet enfant oublié, presque un inconnu, qui viendra au secours de l’adulte en train de perdre pied. Pour illustrer cette plongée au cœur des sentiments les plus obscurs, cette mise à nue de la psyché de son héros, l’auteur use de teintes profondes, vives, texturées. Souvent posées en larges aplats d’un pinceau épais, elles sont parcourues de formes organiques quasi abstraites d’un grand lyrisme, sur lesquelles se déploient les figures simples des personnages évoluant dans des décors à peine esquissés. Un voyage au cœur de l’âme humaine non dénué d’humour, cependant, grâce au spirituel numéro de duettistes des indéfectibles Gros et Michel.
Mourir, ça n’existe pas, c’est un mensonge pour te forcer à vivre vite et mal. Voilà une sentence, définitive à bien des égards, qu’il conviendra de méditer…
6.5