Pandora Beach

D eux couples, jeunes, beaux, divers (roux, brun, blonde et... bleue) ont des envies de soleil low cost. Direction, la Méditerranée, mais loin des ruches à touristes. Avec le temps, Zarkos et son Eden beach, autrefois repérés par les guides touristiques, ressemblent davantage à un village-fantôme qu’à un village-vacances. Et du rêve au cauchemar, le pas est vite franchi, avec leur ancestrale hôte comme guide…

La perspective de retrouver un récit horrifique signé par l’auteur de Rocher rouge et Crematorium (kstr) avait de quoi réjouir. Malheureusement, il faut vite déchanter. Le fait de revoir des éléments déjà présents dans le premier titre cité n’est pas en cause ; une dose supplémentaire de post-ados superficiels, de nanas en maillots, de chausse-trape onirique ou non, voire de légère pointe d’acidité visant à dénoncer l’exploitation de la misère locale, n’est pas rédhibitoire. Ni le fait de baigner le récit dans la lumière ni un dessin tout aussi clair d’Alex Talamba ne sont en cause non plus, Gazzoti (Seuls) et Ers (Hell school) ayant montré la voie pour associer trait a priori « jeunesse » et fond basé sur le suspens, sinon l’angoisse.

Non, il est simplement plus que difficile de se départir d'un sentiment, qui persiste tout au long de cette histoire qui souffre manifestement d’une pagination trop contrainte pour convenablement développer une ambiance, se résumant à un déçu : « C’est pas possible ! Il en a gardé sous la pédale ! ». Il y manque une dose de venin, quelques cadavres - entre autres – canins, diverses saillies verbales ou plans sexy ne font pas le compte. Pas plus que le fait de dénoncer le fait qu’une partie du monde tire profit de l’autre ne suscite l’émotion attendue.

En fin d’album, dans un cahier fort bienvenu, les choses s'éclairent. Eric Borg indique que la première version du projet disposait, comme son titre initial, Carnage grec, et quelques informations utiles le laissent supposer, d’une autre tonalité que ce soit sur le fond comme sur la forme (le style graphique était tout autre). Et alors l’évidence répond à la déception : « Mais c’est exactement ça qu’il fallait montrer ! ». Et les autres compléments ajoutent au désarroi et les difficultés - financière, lâchons le mot - rencontrées pour accoucher du résultat final font plus froid dans le dos que les mésaventures du quatuor de fiction. Ils sont légion les films qui ont vu leur budget amputé et qui ont compensé un démarrage chaotique en déployant par la suite des trésors d’inventivité, de malice, de subversion, particulièrement dans le genre qui est celui de Pandora beach. Ici, non, une autre forme de low cost à la sauce « tout public » semble avoir édulcoré ce qui aurait pu donner une bonne série B nerveuse suintant le sang, le sexe, le vice et la dénonciation politique. Les temps sont durs, les concessions pour finir par être édité sont manifestement nombreuses. Verdict : encore un scénariste qui doit une revanche à ses lecteurs (ceux qui paient les albums en librairie, en particulier) lorsqu'il aura retrouvé les coudées franches.

A noter : les éditions Bigfoot proposeront un livre intitulé Pandora Beach Storyboard Script Sketches sur leur site editionsbigfoot.com ; si derrière le terme "storyboard complet" se cache un director's cut, cette boîte-là mérite sans doute d'être ouverte...

Moyenne des chroniqueurs
4.0