Big Bill est mort

B ig Bill est mort, et il n’a pas fini de se balancer au bout de sa corde. Aux pieds de leur frère défunt, Jim et Buck cherchent parmi les nombreux ennemis de Big Bill celui qui aura mis sa vengeance à exécution. Linus, qui n’apprécia pas que sa femme passe entre les mains d’un noir, Josh qui, part dépit, menacera Big Bill de le tuer si celui-ci ne saisissait pas sa chance immédiatement, ou bien Chass qui reçu pour ses insultes racistes une correction dont il se souvient encore ? Et ce corps que Jim et Buck doivent encore laisser en place, en attendant que le shérif prenne le temps de relever les indices de la scène du crime…

Big Bill est mort débute sur la base d’une intrigue policière. L’enquête rétrospective des deux frères plante rapidement le décor d’une campagne américaine bouffée par ses traditions sudistes. La présentation des personnages trouve aussi dans ces flash-back une mise en situation assez explicite. On saisi facilement les enjeux qui ont pu provoquer la mort de Big Bill. Passé la 36e page, le scénariste décide cependant de changer le ton du récit et, d’une amorce potentiellement intéressante, il imagine une vengeance aussi subtile qu’originale. Dommage… La conclusion de l’album n’efface pas le léger sentiment de gâchis en offrant au lecteur un désagréable ‘Il disparu et on entendit plus jamais parler de lui’.

Le fond du récit est autrement plus dérangeant. L’illustration de la violence, dans la seconde partie de l’album, tournera presque au sadisme malsain. On regrette vite toute cette place donnée aux mauvais blancs, toute cette attention avec laquelle les auteurs développent leur (faible) psychologie. Le traitement narratif a de quoi mettre mal à l’aise et l’on peine à cerner le propos du scénariste, risquant même la confusion. Pourquoi est-on obligé de subir la médiocrité de ces personnages nauséabonds durant tant de pages ?

Le dessin est encore trop statique et ne parvient pas à relever le niveau de l’ensemble. Le découpage, loin d’innover, se réfugie dans la facilité à faire d’un plan unique plusieurs cases. Si l’emploi de cette technique (à l’initiative de Hergé dans Tintin au Tibet) peut avoir des résultats intéressants, il n’est ici que répétitif. Reste tout de même une colorisation de qualité.

Big Bill est mort n’est pas un complet ratage. L’angle de narration, passé la moitié de l’album, est simplement insupportable. Ce sentiment est d’autant plus fort lorsque l’on devine pertinemment le propos des auteurs à l’opposé de la mentalité sudiste qu’ils mettent en scène. La vendetta finale ne parviendra pas à effacer ce mauvais moment à passer, au contraire…