Soucoupes

D écidément, plus grand-chose ne tourne rond dans la vie de Christian. Coincé entre sa mère grabataire, son épouse impavide et sa maîtresse impatiente, ce cinquantenaire un brin pusillanime est en train de laisser sa vie lui échapper. Faut dire que depuis que ces satanés soucoupes et leurs foutus occupants ont fait leur apparition, qui s’intéresse encore aux disques que vend notre héros dans sa boutique à demi périclitante. Pourtant, c’est bien l’un de ces « abrutis en scaphandre » qui pénètre un beau jour dans son échoppe, en quête de musique terrienne. Entre l’explorateur extra-galactique et l’humain désabusé, une curieuse relation s’instaure bientôt…

Navigant en permanence entre une mélancolie doucement désenchantée et une dérision pleine de fantaisie, Le Gouëfflec et Obion dressent un attachant portrait de cet homme un peu perdu, un peu ronchon, éternel insatisfait qui ne trouve un semblant de réconfort que dans la musique, la peinture, les virées au bistrot avec son pote. Nul doute que les créateurs ont mis beaucoup d’eux-mêmes dans cette histoire. Le scénario aligne les trouvailles savoureuses (la vieille tante opiomane, les balades au musée, les conversations muettes du visiteur…) et quelques scènes plus anecdotiques, voire dispensables, mais la justesse des dialogues confère à l’ensemble un charme certain, délicat mélange de poésie, d’amertume et de comédie.

Un charme auquel le graphisme n'est pas étranger : malgré l’emploi de la palette graphique, les tons naturalistes et les touches vibrantes d’intensité du dessinateur impriment une réelle authenticité aux décors, l’encrage léger soulignant seulement les plans principaux. En plus de ces couleurs subtiles, le recours à une esthétique désuète, surannée, évoquant les années 50 et 60, ajoute au sentiment de paisible enchantement baignant le récit. Décalage ultime, alors que l’action se passe à Brest, les scènes ruisselantes de soleil et les joueurs de pétanque omniprésents donnent un air de bourgade provençale au lieu. Un phantasme de plus travaillant les auteurs, assurément.

Moyenne des chroniqueurs
7.0