Racket

U n vol de téléphone portable qui tourne mal, la victime, une toute jeune adolescente, parvient à se traîner jusqu’à son domicile puis s'effondre Dans une chambre d’hôpital, alors que le corps physique est inerte, le corps psychique entame une lutte dont il n’est guère plus que le pantin désarticulé. Dans cette même chambre, un père, perdu, est anéanti par le poids de sa culpabilité et par son impuissance.

Racket est un livre très sombre, ce que la couverture annonce sans détour. Cette dernière n’est d’ailleurs pas sans faire écho au malaise suggéré par celles des albums de Blutch parus chez le même éditeur (La beauté et La volupté), eux-mêmes ancrés dans une inquiétante étrangeté, voire dans une sorte d’entre-deux indéfinissable. De manière encore plus prégnante, le thème de l’errance dans le coma renvoie à celle narrée dans Quand vous pensiez que j’étais mort, bande dessinée de Matthieu Blanchin qui vient de paraître, aussi chez Futuropolis. Ce dernier cherche à retranscrire ce qu’il a vécu ; le rendu ne manquera pas de déconcerter. Stéphane Levallois, lui, essaye d’imaginer cet état intermédiaire, de le façonner, de lui donner vie. Chacun de ces auteurs, à sa manière, avec un trait qui lui est propre, imprime une très forte intensité graphique à son récit où la notion de forces en conflit est omniprésente.

Stéphane Levallois est un virtuose du noir et Blanc. Pour autant, cet album ne constitue pas une invitation à prendre le temps de la contemplation ; cela malgré le choix d'une narration sans texte. Souvent présentées à la manière d’un story-board composé de séquences comme fractionnées, les planches s’enchaînent sans répit, portées par une urgence de chaque instant. Il en résulte une très grande fluidité de lecture, sans doute même une trop grande. Ce livre se lit d’une traite, mais pas pour les bonnes raisons, la forme ne parvenant pas à attirer vers le fond. Au final, le sentiment que derrière la dextérité du dessin se dissimule une certaine vacuité prédomine.

Moyenne des chroniqueurs
5.0