Mamada 2. Tonitruante résidente

Q u’a donc fait Mamada aux divinités ? Suite à sa contamination par un agent mutagène inconnu, cette acariâtre et traditionaliste chef de tribu se retrouve projetée à Paris munie d’un pouvoir absolu dont elle ne sait pas se servir. Persuadée que son don est le fait de son gris-gris porte bonheur, elle l'utilise sans discernement, dézinguant animaux et citadins la contrariant ou, au contraire, ressuscitant une jeune suicidée qui décide dès lors de profiter des talents de l’africaine pour régler son compte à la société. Durant ce temps, en Afrique, un groupe de mercenaires recherche la mystérieuse substance et un oiseau multicolore ayant hérité des mêmes facultés que Mamada sème la terreur dans la savane.

Pas facile pour un auteur de trouver un sujet original et encore moins quand il s’agit d’écrire une comédie ! David Ratte l’avait pourtant réalisé avec ses cycles Le voyage des pères et L’exode de Jonas, mais sa nouvelle création n’est pas une aussi franche réussite. Après un premier tome introductif faisant songer, pour les amateurs du 7ème Art, à un croisement de Bruce Tout-Puissant et Les dieux sont tombés sur la tête, le lecteur espérait avec ce nouvel opus que la série prenne son envol et non qu’elle ronronne sur un rythme de croisière.

L'auteur utilise le ressort comique très usité de l’indigène projeté dans le « monde moderne ». Son innovation réside dans le fait que la chef Himba n’est pas uniquement une pauvre victime du choc culturel. Le regard qu’elle pose sur les Blancs est autant rempli de préjugés que l’inverse. Elle n’aime pas notre univers, ne se gêne pas pour le dire et n’hésite pas à faire disparaître, grâce à ses pouvoirs, les individus la défrisant. Ceux-ci sont alors projetés dans la savane africaine où leur arrivée semble tout aussi incongrue. De plus, par l’intermédiaire du personnage de Sidonie, le scénariste tape, au sens propre comme au sens figuré, sur énormément de travers de la société actuelle : les industriels, les politiques, les journalistes, les touristes occidentaux et enfin les vedettes de la télé-réalité et autres variétés.

Ratte a un style graphique semi-caricatural où l’effet comique est engendré par le contraste entre le réalisme des décors et l’aspect cartoonesque des visages des protagonistes. Les planches les plus drôles de l’album sont celles mettant en scène l’irascible volatile. La bande dessinée tombe alors dans le portnawak assumé, usant d’un humour visuel sans dialogue hyper efficace. Vous ne regardez plus les hippopotames de la même façon !

Mamada est donc loin d’être une mauvaise bande dessinée. Elle provoque même souvent l’effet premier recherché par sa lecture : le rire. Cependant, à cause de ce sacro-saint format quarante-huit pages cher aux éditeurs, le livre parait un peu court. Dix minutes maximum de « plaisir » pour un lecteur boulimique ! La série aurait certainement gagné à être un one-shot plus copieux, diminuant ainsi l’impression de vacuité de ce deuxième tome. C’est un sentiment que, à coup sûr, les acheteurs patients qui liront un jour d’une traite l’intégrale des albums publiés ressentiront beaucoup moins. Dommage qu’il faille conseiller l’attente plutôt que l’achat impulsif !

Moyenne des chroniqueurs
6.0