Le grand méchant Renard Le Grand Méchant Renard

R ien n’est simple pour notre pauvre goupil. Alors qu’il aimerait tant goûter à la viande, il doit se contenter de betteraves et de navets. Impossible de se souvenir de la dernière fois où il a planté ses crocs dans de la chair fraîche. En effet, Renard n’effraie personne et il est la risée des animaux des bois comme des poules de la ferme voisine. Vilain petit Goupil, stupide et faible, se rêve en Grand Méchant Renard. Il prend donc des cours de cruauté avec le Loup qui lui donne ce conseil « Si tu ne peux saisir les poules, vole des œufs ! Tu n’auras qu’à manger ce qui en sortira ! » Seulement, de l’œuf à la poule, il y a les poussins. Et c’est attachant ces petites bêtes !

Grand Méchant Renard n’est pas la première bande dessinée de Benjamin Renner. En 2011, sous le pseudo de Reineke, la maison d'édition Vraoum ! publiait Un bébé à Livrer, œuvre déjà remarquée et sélectionnée à Angoulême. Après une interruption liée à la réalisation du long-métrage Ernest et Célestine, le créatif revient au 9ème Art chez Shampooing, sous son vrai nom, les éditions Delcourt surfant sur l’engouement public mérité du dessin animé.

L’influence principale de l'illustrateur est évidente : Tex Avery. Comment ne pas songer à Bip Bip et le Coyote, drôlissime jeu de massacre dans lequel Renner introduit, lui, de la poésie ? Quand les poussins sortent de l’œuf, ils découvrent Renard et le prennent pour leur maman provoquant ainsi maintes situations cocasses. Le prétendu prédateur sort de son rôle de punching-ball pour devenir un être attachant. Goupil découvre que son unique talent est de jouer le rôle de Papa, même si il s’agit d'oisillons. Sous des dehors légers, l’auteur fait référence, subtilement et sans didactisme, à quelques sujets de société. Pas sûr que l’idée de poussins ayant deux Mamans (une poule et un renard) ne fasse pas hurler les opposants au mariage pour tous. Confronté à ses turbulents et piailleurs nouveau-nés, l'animal s’adapte et compose. Quel parent n’a jamais dû céder pour avoir la paix ?

Graphiquement, le dessinateur conserve de son expérience du blog le rejet de la case et de bulles pour raconter son histoire. Il privilégie les personnages aux décors à peine esquissés, et le détail se porte sur le faciès et les mimiques des bêtes. De plus, le trait se joue de la perception innée que le lecteur a de certains animaux. Un renard devrait être rusé et pas un loser absolu alors qu’au contraire les poules sont à nos yeux de frêles victimes et non des matrones formées au close-combat. Le dessin rehaussé de très belles couleurs donne de la fluidité à l'aventure menée sans temps morts sur 192 pages. Plus que des grands éclats de rire, Renner réussit finement à faire sourire à chaque page. C’est un humour gentil, touchant tous les âges et finalement très rafraîchissant.

Le meilleur des prologues pour découvrir cette bande dessinée est d’aller sur le site des éditions Delcourt. L’auteur de la bd a réalisé un turbomédia dans lequel le joueur est amené à choisir la manière de faire rentrer le rouquin canidé dans le poulailler. Chaque choix entraînant une situation différente où Renard en prend souvent pour son grade. Un complément jouissif !