La nueve La Nueve-Les républicains espagnols…

I l y a soixante-dix ans tout juste, la deuxième DB de Leclerc entrait dans Paris pour prêter main forte aux insurgés et parachever la libération de la ville. Paris martyrisée mais Paris libérée ! Et par des français ! Des français, voire !? Car si les blindés étaient américains, leurs occupants étaient majoritairement espagnols. C’est l’histoire de « la Nueve », cette escouade arrivée la première à l’hôtel de ville, et des républicains espagnols qui la composaient, qui est narrée ici par Paco Roca.

Se mettant lui-même en scène lors de longues séances d’interview d’un des rares rescapés de la compagnie, établi dans une bourgade de Lorraine, l’auteur parvient à apprivoiser petit à petit l’ancien soldat. D’abord rétif, il se livre de plus en plus, devant des proches sidérés de découvrir le passé glorieux du vieil homme. Ces allers-retours temporels entre présent et passé impriment un rythme soutenu au récit, tout en l’humanisant profondément, en faisant pénétrer le lecteur dans l’intimité du héros. Des rivages meurtris d’Alicante cédant sous la poussée franquiste jusqu’aux quais d’Oran, des âpres camps de travaux vichystes en plein Sahara aux combats alliés contre l’Afrika Korps, des plages de Normandie aux pavés parisiens, le parcours hors normes de ces combattants est détaillé minutieusement. Comme est pleinement dépeint l’état d’esprit qui les animaient, leur indéfectible soif de liberté, leur fol espoir de poursuivre la lutte contre Franco les nazis une fois vaincus, leur cruelle désillusion après coup… Alternant les teintes sobres et naturelles pour retranscrire les années 40 avec une simple colorisation en bistres pour les scènes contemporaines, le dessinateur conserve son trait simple, réaliste, une ligne claire légèrement empâtée, rendant précisément compte des physionomies des protagonistes avec une grande économie de moyen.

Mêler habilement la grande et la petite histoire, voici la recette parfaitement appliquée ici par Paco Roca, qui parvient à maintenir constant l’intérêt pour le récit du vétéran, tout en suscitant l’empathie envers ces héros oubliés, ceci jusqu’à une révélation finale chargée d’émotion.

Moyenne des chroniqueurs
7.0