La colonne 2. Exterminez-moi toutes ces brutes

« Il n’y a pas de mot. Non, pas de mot. Ou il faudrait en inventer ». Ainsi s’indigne le colonel Klobb, lancé depuis Tombouctou dans une course-poursuite de 2000 kilomètres aux trousses de la colonne infernale menée par Boulet et Lemoine à travers le Niger. Amas de têtes coupées, grappes de pendus aux branches des jujubiers, villages incendiés, pillés, rasés, partout s’affichent les traces des exactions commises par les deux officiers français. Leur piste sanglante croise bientôt celle de Sarraounia, reine mythique mi-amazone mi-sorcière gouvernant le pays Haoussa, qui offrira une farouche résistance aux troupes coloniales. Mais quand le détachement de Klobb rejoint enfin la mission Boulet-Lemoine aux confins du Sahel, ceux-ci sont tellement enferrés dans leur délire meurtrier que le plus impensable des dénouements se produit…

Longtemps occulté par une administration militaire peu encline à admettre ses errements, cet épisode tragique et honteux de la colonisation est aujourd’hui méconnu, et pourtant ô combien emblématique du mépris absolu envers les populations africaines qui prévalait alors. Remettre en lumière ces événements et cet état d’esprit est probablement la principale réussite du diptyque réalisé par Dabitch et Dumontheuil. Au crédit des auteurs, mettons également la grande richesse formelle de la série, dont les couleurs éclatantes, d’une vivacité sans pareille, réalisent l’exploit de conjuguer le réalisme d’un reportage et le symbolisme d’une imagerie d’Épinal. Le trait volontiers caricatural du dessinateur fait merveille pour rendre les expressions des protagonistes comme pour dépeindre les scènes de batailles, déployées en vastes panoramas emplis de bruit et de fureur.

Mais si l’intérêt graphique comme historique est indiscutable, plus questionnable est la qualité du découpage. Sans répéter les malencontreux faux raccords du premier tome, la mise en scène semble parfois bâclée, l’agencement des séquences pas toujours heureux, l’enchaînement des cases maladroit, abrupt… De ce manque de fluidité résulte une impression de flottement, d’ellipses malvenues, cassant le rythme narratif et bridant l’émotion. L’impression aussi qu’il s’en fallait de peu pour réaliser là une œuvre marquante.



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