Finnele 1. Le Front d'Alsace

O beraspach, ou Aspach-Le-Haut. Juillet 1914. L'été suit son cours dans cette Alsace allemande depuis presque quarante ans. Août. La Grande Guerre n'est pas encore déclarée mais c'est déjà l'heure de la mobilisation pour les jeunes adultes. Malgré le départ de son grand-frère, Joséphine, ou Finnele, n'a pas le temps de s'inquiéter. Les moissons commencent et la priorité va à l'essentiel. En l'absence des hommes, toutes les forces sont nécessaires. L'affrontement n'est encore qu'abstrait, il se déroule au loin. Novembre. Traversé par une voie de chemin de fer, son village se retrouve sur la ligne de front. Une partie sise en France, l'autre en Allemagne. Les habitants sont évacués. Le conflit devient réalité pour la petite alsacienne et sa famille.

En cette année de commémoration du centenaire de la Grande Guerre, Anne Teuf propose un ouvrage fortement attrayant. Loin des innombrables et attendus témoignages sur la vie des combattants, elle offre ici une chronique de la vie quotidienne au plus près de la zone de bataille, vue par les yeux d'une petite fille, de sa grand-mère. Aux conséquences directes, bombardements, réquisitions des chevaux, présence des soldats, déplacement des populations, s'en ajoutent aussi d'autres. L'Alsace, dans le giron allemand depuis 1870, est aussi un des enjeux de cette guerre. La francisation des alsaciens devient un objectif du gouvernement français. Après s'être vu imposée la langue de Goethe à l'école, c'est celle de Voltaire que se voit forcée d'apprendre la jeune fille. Privés de libre arbitre par la situation, les locaux n'ont d'autre choix que celui de s'adapter. Ils sont, comme le dit si bien Émile, le père, coincés. Coincés entre la France et l'Allemagne.

D'un trait précis, détaillé, rehaussé de gris, l'auteure anime ce petit théâtre avec bonheur et redonne vie à la société d'alors. Si elle avoue sans peine avoir brodé à partir des quelques éléments en sa possession et des faits historiques pour construire son récit, on ne peut qu'être frappé par la finesse et la justesse qui s'en dégage. À lire.

Moyenne des chroniqueurs
8.0