Pax Romana

E urope, An 2045. L’essor de l’Islam menace une chrétienté exsangue en pleine crise identitaire. Une découverte aussi discrète que fracassante parvient alors au sommet du Vatican : la capacité physique effective du voyage temporel. Dans le plus grand secret s’organise alors, sous l’égide du Pape, la constitution d’une armée de mercenaires chargée d’influer sur le cours spirituel des événements en remontant jusqu’en 312, sous le règne de Constantin, premier empereur chrétien. Mais pour les leaders du corps expéditionnaire, des surhommes « améliorés » génétiquement, se pose alors la question : pourquoi s’en tenir simplement là, quand s’offre à eux la possibilité de modifier en profondeur la marche de l’histoire ?

C’est malheureusement un peu aussi le type de questionnement qui vient tarauder le lecteur à l’issue des quatre chapitres composant Pax Romana : pourquoi après un début si brillant, si originalement prometteur, précipiter ainsi la conclusion de l’album sans dérouler aucun des nombreux fils tissant l’intrigue de départ ? Alors certes, la mise en page regorge de trouvailles, les dialogues sont pétris de qualités, le propos est audacieux, le traitement singulier – avec cette étonnante synthèse de froideur et de baroque –, mais jamais le moindre sentiment d’empathie n’émerge pour les personnages, tous traités superficiellement, maintenus à distance du spectateur. Leurs motivations profondes demeurent obscures, leur devenir l’est tout autant et, bien que l’auteur manie l’art de l’ellipse avec aisance, le manque d’espace dont il semble avoir disposé pour s’exprimer affecte foncièrement l’impression laissée après coup.

Demeure alors une indéniable réussite graphique : force du trait, puissance de l’encrage – avec moult volutes ornementales rappelant parfois Toppi –, délicatesse des couleurs – aquarelles explosant en myriades de points lumineux comme autant de cartes célestes servant de toile de fond aux vignettes –, découpage dynamique et varié des séquences, la forme s’impose bien plus que le fond. Pas qu’il soit fade ou futile, au contraire, interrogations métaphysiques, paradoxes temporels, justifications des fins et des moyens, vie et mort des cycles politiques, progrès moral, le livre déborde de thèmes forts, mais ce trop-plein ne débouche que sur un sentiment d’inabouti. Une série télévisée s’inspirant de l’album vient d’être annoncée par SyFy, peut-être y trouvera-t-on les développements qui font ici défaut.

En attendant, malgré ces réserves, Pax Romana confirme l’éclosion du talent de créateur d’univers, la petite musique originale distinguant les œuvres de Jonathan Hickman.

Moyenne des chroniqueurs
7.0