Tao Bang 2. L'île aux sirènes

L a Marée Galante, maison réputée dans tout Port Xarnath pour la volupté de ses hôtesses, n'est plus que l'ombre d'elle-même. La faute à ce Prévôt, Ad Arphax, chargé par le Conseil des Doges de remettre en ordre le commerce du plaisir. Ellora, patronne de la Marée Galante, confiera alors à Kesh, client régulier et véritable force de la nature, ainsi qu'à deux anciens galériens fraîchement débarqués, une lourde mission: rallier la mystérieuse Île aux sirènes et y ravir quelques-unes de ses indigènes afin de relancer le commerce du plaisir de Port Xarnath. La chose n'ira (heureusement) pas d'elle-même et Tao Bang, pirate à la solde du Cheik Dragon Ad Arphax, se chargera de mener la vie dure aux aventuriers !

A sa sortie Tao Bang avait su séduire un large public par son style et sa fraîcheur. Le trait légèrement effacé de Blanchard, ces silhouettes aux profils empruntés à Hugo Pratt et les tons pastels de Cassegrain donnaient à cette aventure un souffle assez inédit. C'est donc sans mal que l'on comprend l'impatience de ce même public qui, après 6 ans et pas mal de bruits de couloirs, espérait bien de nouveau croiser la troublante Tao Bang à l'occasion d'un hypothétique second album. Peut-être aurait-il été préférable de ne rien attendre du tout...

Si un rythme soutenu parvient, dans certains cas, à faire d'un récit plan-plan une trépidante aventure, avec Tao Bang il n'est plus question de rapidité mais de fulgurance ! Imaginez qu'en moins de 46 planches, les aventuriers parviendront à découvrir l'île secrète, mettre en déroute la flotte du Cheik Dragon, gagner son necromant à leur cause, venir à bout du mystère de l'île, intercepter une cargaison chère à leur terrible ennemi, détruire une partie de Port Xarnath à leur retour en provoquant la colère du Cheik Dragon, l'anéantir et terminer l'aventure par un bain et des éclats de rire bien mérités !

Les transitions, inexistantes, entre les courses maritimes et les embuscades en plein désert, mettent la tolérance du lecteur à rude épreuve. L'empressement des auteurs à boucler leur récit est quasi palpable tant les scènes se succèdent sans la moindre cohérence. Les bases jetées par Le septième cercle laissaient pourtant entrevoir un univers riche de mille et une légendes, peuplades, malédictions... On ne retrouve rien de tout ce charme originel. Inutile de préciser avec quel soin les auteurs ont pris le temps de développer leurs personnages...

La réalisation graphique ne sauve malheureusement pas cette aventure servie un peu précipitamment. Si l'on devine encore sous la couche gluante des pigments numériques la finesse du style de Blanchard et Cassegrain, on ne peut que déplorer la colorisation de l'ensemble. Didier Cassegrain donne l'impression d'un débutant découvrant Photoshop et ses multiples filtres et effets. Le résultat est franchement indigeste. Les images floutées, les lueurs maladroites de la pierre magique, les décors retouchés à l'aérographe, les corps ridiculement ombrés (pas un muscle n'y échappera), les expressions plombées d'un encrage sans nuances,... tous ces artifices achèvent une détestable impression de surenchère et de précipitation. Si la bande dessinée se découvre depuis quelques temps déjà une école indépendante, elle retrouve ici l'agilité d'une production holywoodienne.