Une histoire d'hommes

U n groupe de rock qui explose alors qu’il prend son envol. Après ce clash, le chanteur se trouve propulsé sous la lumière des projecteurs ; ses acolytes, eux, retrouvent l’ombre du commun. Certains s’en remettent très bien, d’autres moins. Presque vingt ans plus tard, celui qui est devenu une star, Sandro, convie ceux qu’il a laissés derrière lui pour un week-end dans son manoir anglais. Le temps d’une explication ?

Le temps d’un album, Zep s’offre une balade hors des sentiers où le grand public le trouve sans même avoir à suivre sa trace. Bien que demeurent certains de ses tics, en particulier son utilisation de la couleur en arrière plan qui donne le « la » à l'atmosphère du moment et son coup de crayon pour croquer les visages, la marque du dessinateur ne s’impose pas d’emblée comme une évidence. Enfin, il convient de préciser qu'Une histoire d’hommes ouvre le bal pour la filière BD de l’École des loisirs, baptisée Rue de Sèvres. Cette dernière s’est, elle, chargée de faire la promotion du livre et de le lier au nom bien connu de son auteur - le tirage étant prévu à 140.000 exemplaires, il s’agit de guider le public...

Zep part de l’univers de la musique et, plus spécifiquement, du rock, autre domaine dans lequel il s’exprime et qu’il a déjà mis en dessin dans différents cadres (notamment L’enfer des concerts en 1999, réédité en 2010 sous le titre Happy rock, et dans le cadre d’un collectif intitulé Bob Dylan revisited). Toutefois, cela constitue plus un décor qu’autre chose, le cœur du sujet étant ailleurs, quelque part autour de l’amitié, dans une veine qui pourrait approcher Quelques jours avec un menteur d’Étienne Davodeau, Petites éclipses de Fane et Jim, ou encore, Week-end avec préméditation de Pierre Wazem et Tom Tirabosco. Il n’en est rien.

La première fausse note est perceptible dès l'ouverture : la vulgarité. Cette dernière revient de manière récurrente dans les discussions du quatuor masculin, avec, bien évidemment, celui qui la porte haut, à la manière d’un étendard, et son indispensable faire-valoir qui feint de s’en offusquer. Plus maladroite que gratuite, elle sonne souvent faux et, à force, devient franchement lourde. Et cela à quelles fins ? Soulager le lecteur de la pesanteur potentielle du fil conducteur du récit ? C’est en tout état de cause bien attristant.

Certains éléments dans les premières pages laissent pourtant espérer qu’il sortira quelque chose de bon de tout cela. Tout d’abord, Zep évite de trop en faire et narre son histoire sans effets de manche, rendant ainsi la lecture fluide. Ensuite, il y a ce personnage de femme, perdue au milieu de cette histoire d’hommes, qui, dans la scène où elle apparaît, aurait pu être interprétée par une actrice de la trempe d’Isabelle Huppert dans ce qu’elle a de plus imprévisible et de plus barré. Las, la dernière case de ladite séquence casse la beauté du geste et éteint la flamme naissante à grand renfort de larmes. C’est cette complaisance pour les protagonistes qui est sans doute la plus décevante : Zep ne leur rentre pas dans le lard, tout du moins pas franchement. Trop tendre avec eux, il amène son récit vers une fin convenue.

L’attente est déçue.

Moyenne des chroniqueurs
5.0