7e étage

E nfin ! Enfin, je faisais mes premiers pas dans une école d’Art et, par là-même, laissais derrière moi l’ennui sous toutes ses formes - familial, provincial, lycéen. Immédiatement, je m’y suis plu. Je m’intégrais sans difficulté dans une communauté étudiante où mon look gothique ne dépareillait pas dans le décor, à la différence d’avant. Tout est allé très vite, les fêtes et l’alcool aidant : « Pour la première fois de ma vie, j’avais été choisie par un garçon ! Nils, qui était si charmant et séduisant, m’avait choisie, moi ! ». Extase… éphémère.

Cette bande dessinée autobiographique constitua pour son auteure, la suédoise Åsa Grennvall, l’aboutissement de son projet de fin d’études et bien plus encore. Réalisée en 2002, dans l’urgence, il s’agissait alors pour elle de se reconstruire et, donc, de comprendre. Comment avait-elle pu tomber si bas ? Pourquoi n’avait-elle pas réagi aux signes annonciateurs ? Ceci explique sans doute le trait fort brut, qui ne s’embarrasse guère de fioritures ; ce n’est pas l’objet. Elle s’en tient à narrer les faits, s’attachant à les retranscrire avec sa perception d’alors.

Que se passe-t-il, derrière la façade de ce septième étage, alors que « de l’extérieur, nous formions un couple parfait » ?

Elle n’a pas eu de chance, c’est certain, mais il est tout aussi certain qu’elle a été l’oie blanche de son tourmenteur. D’ailleurs, par deux fois, elle interrompt le cours de son récit pour interpeller son lecteur, voire, sans doute encore plus, pour se prendre elle-même à témoin de ce qui, rétrospectivement, l’édifie et l’atterre : comment a-t-elle pu rester avec lui, comment a-t-elle pu s’installer avec lui ? Lui qui se l’accapare, qui la coupe de ses relations, qui étouffe et détruit sa personnalité.

L’emprise psychologique, avant que ne viennent les coups. L’engrenage est limpide, déconcertant et d’une violence crue, exprimée sans détour tant par le texte que par le dessin.

La publication de cet album par la jeune maison d’édition L’agrume a reçu le soutien de l’association Amnesty International, notamment par la rédaction d’une postface qui s’ouvre sur ces mots : « L’histoire d’Åsa n’est malheureusement pas inédite ». Quelques lignes plus loin, elle enfonce le clou : « En France, une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint », cela sachant que sur les deux dernières années, 400 000 ont été victimes de violences conjugales. Åsa Grennvall apporte un témoignage courageux, à l’instar des démarches judiciaires qu’elle a menées une fois la tête sortie hors de l’eau. Puisse-t-il aider d’autres femmes à appréhender les signes avant-coureurs de la violence dans le couple, à dire non, à savoir vers qui se tourner (le numéro d’urgence est le 3619 en France) et, surtout, à montrer qu’il est possible de se reconstruire.

Un livre autour duquel échanger avec des adolescents.



Autour du thème de la violence faite aux femmes :
- … à la folie, fiction de Sylvain Ricard et James.
- Inès, fiction de Loïc Dauvillier et Jérôme d’Aviau
- En chemin elle rencontre, collectif proposé par la maison d’édition Les ronds dans l’eau.

Moyenne des chroniqueurs
7.0