Dans l'atelier de Fournier

N icoby et Joub s’étaient associés en 2010 pour raconter dans Nos années bêtes et méchantes la folle époque d’Hara Kiri à travers les mémoires de Daniel Fuchs, libraire spécialisé BD assez connu dans le milieu. A l’occasion des 75 ans de Spirou, les deux compères partent à la rencontre de Jean-Claude Fournier, qui reprit les aventures du célèbre groom pendant une décennie, de 1970 à 1980.

Jean-Claude Fournier, c’est l’homme qui a vu l’ours. Le côtoyer c’est être « à une main de Franquin », un peu comme interviewer Moïse descendant de la montagne, les tables de la loi encore fumantes sous le bras. Le temps d’une journée, grâce à mille anecdotes, le jovial successeur de Franquin va narrer par le menu sa carrière, les premières planches refusées, les tâtonnements encouragés par le maître, la création de Bizu... jusqu’à ce que Charles Dupuis lui remette les clés de Spirou et Fantasio.

À la fois consécration et malédiction, cette reprise le condamnera à être le Roger Moore de la série, l'éternelle comparaison avec son illustre prédécesseur occultant ses nombreux apports. Sans oublier qu'il sera le dernier auteur à assurer à la fois le scénario et le dessin. Dessaisi du titre sous prétexte de faire de Spirou un héros breton (on croit rêver), la suite de son parcours devient plus erratique, au gré des Cranibales, du festival de Saint Malo, des Chevaux du vent chez Aire Libre... Mais n'en racontons pas trop.

L'échange avec l'auteur ne serait pas complète sans une fouille en règle de son atelier : dessins pour la PQR, recherches diverses, histoires courtes, travaux alimentaires, projets avortés, autant de documents qui sont proposés au lecteur non seulement tout au long de l'album mais aussi dans un cahier graphique d'une vingtaine de pages.

Avec Dans l'atelier de Fournier, Nicoby et Joub confirment leur talent de conteur de la petite histoire de la bande dessinée. Intervieweurs enthousiastes, c'est en se mettant eux-mêmes en scène qu'ils parviennent à garder une distance un brin taquine qui leur évite de tomber dans un excès de déférence. Une mécanique qui fonctionne à merveille et qui ne demande qu'à trouver une nouvelle victime consentante.

Moyenne des chroniqueurs
8.0