Mariko parade

U n mangaka Français et son modèle, Mariko, vont à Enoshima pour prendre des photos de repérage en vue d'un futur manga appelé Mariko Parade...
Voilà l'histoire de Mariko Parade. C'est peu? non. C'est énorme. Parce que l'histoire n'a pas d'importance ici. Ce qui compte, comme toujours chez Boilet c'est ce qui se dégage de l'ouvrage, les sentiments, les émotions... Et les dessins.

Frédéric Boilet aime les collaborations. Dans chacun de ses ouvrages, on trouve la patte d'un autre auteur, qu'il vienne faire un clin d'oeil ou qu'il s'implique totalement dans le projet. Pour Mariko Parade, au départ il devait s'agir d'un recueil de ses travaux anciens, reliées par une petite histoire "fil rouge" dessinée par Kan Takahama et intitulée "la Ballade d'Enoshima".Un livre sur le même principe que les anciens Mickey Parade, avec pour sujet Mariko, le modèle de Boilet pendant 4 ans. Au final, "la Ballade d'Enoshima" s'est étoffée, a pris de l'importance par rapport aux autres histoires, jusqu'à leur ravir la vedette et prendre 160 des 180 pages de l'ouvrage.

La tâche d'animer Mariko, de la faire sienne est donc laissée ici à Kan Takahama . Son dessin, très vivant et simple, fait des merveilles, et s'accorde étrangement bien avec celui de Boilet. Pourtant elle ne fait pas dans le réalisme. Son dessin est fait de lignes simples, qui vont à l'essentiel, alors que Boilet est beaucoup plus réaliste. Mais tous deux possèdent le meme talent, celui de faire oublier que ses personnages ne sont que de papier, à travers leurs expressions, leurs poses, leur manière de bouger... Pour Mariko Parade, on sent que le personnage de Mariko a retenu toute son attention: le visage est simple, mais particulièrement expressif. Takahama multiplie les angles de vue, donne une grande variété d'expressions au visage de Mariko, et lui donne vie sous nos yeux. Le personnage du mangaka français souffre de la comparaison, moins travaillé, plus brut de décoffrage.

Takahama introduit quelques pages en couleurs pastels dans son dessin, et Boilet insère lui aussi une histoire en couleurs, dans des tons beaucoup plus chauds, orangés, reflétant l'érotisme de la scène. On peut presque entendre le mot Suki (je t'aime), prononcé par Mariko, et le contraste entre ces couleurs et les pages suivantes de Takahama, très sombres, où les contours des personnages se devinent plus qu'ils ne se voient, amène une grande mélancolie...

La mélancolie, on la retrouve à peu près partout dans l'album, dans les expressions de Mariko, dans les symboles utilisés, comme l'hortensia... jusque dans la scène finale, vraiment magnifique de pudeur , de sentiments... Mais à cela s'ajoutent de nombreux passages humoristiques, amenés en général par le mangaka français. Takahama et Boilet se moquent gentiment du penchant de celui-ci pour le football et pour Zidane en particulier. Ces passages aèrent le récit tout en ne faisant pas oublier l'atmosphère générale de l'album: même dans ces cas la, on sent une mélancolie diffuse en toile de fond...

L'auteur français fait de nouveau mouche , avec les mêmes ingrédients que la dernière fois et celle d'avant, un mélange de simplicité, d'émotions, et de justesse de ton, le tout servi par une dessinatrice au talent énorme, qui s'est investie totalement dans son travail pour rendre crédible Mariko. Le résultat dépasse les espérances, Mariko va rester dans les têtes de ses lecteurs, à coup sûr.