Blue (Grant) Blue

B olton, Australie. Une ancienne ville modèle, construite à partir de rien pour loger les ouvriers d’une usine implantée dans les environs. Aujourd'hui désertée par les « vrais » Australiens et qui semblent avoir été repeuplée par ces émigrés là, les « bleus ». Christian, vrai natif qui a vécu toute sa vie ici, se souvient de son adolescence de glandeur. Il se rappelle surtout de la première fois où il a vu, de visu, un de ces « bâtards bleus », comme il le dit. À l’époque, la cité était encore une place de blancs. Oh, bien sûr, elle n’avait pas grand-chose à offrir à la jeunesse du coin. À part le surf. Et ça tombait bien, ce jour là, le swell, la houle, était forte. Encore une bonne excuse pour Christian, son pote Muck et et leur copine Verne, pour sécher les cours. Mais une autre nouvelle commençait à circuler. Un « bleu », arrivé par l'océan, avait eu la mauvaise idée de se faire écraser par le premier train passant sur la voie ferrée longeant l’endroit où son bateau de fortune s’était échoué. Arrivés au spot, et face à une mer trop agitée, les trois jeunes désœuvrés, n’ayant jamais vu de « bleus » autrement qu’à la télé (et encore, pas pour tous), décidèrent d’aller voir sur place les restes de ce fait divers tragique.

Calquant son histoire sur la trame initiale du Stand by me de Stephan King, Pat Grant tente, au travers de son récit, de parler du désœuvrement qui a touché toute une génération de jeunes Australiens grandis dans des villes dortoirs construites pour leurs parents, loin de tout, sans aucune perspective d’avenir pour eux. Il aborde surtout de ce moment de l’adolescence où commence le passage à l’âge adulte et la fin d’une certaine insouciance. Malheureusement, à vouloir traiter en plus de l’importance du surf et, surtout, de l’évolution négative de sa société face au phénomène d’une immigration massive, il atténue fortement la portée de son propos principal. Multipliant les sujets, le scénario ne prend jamais de profondeur quant à ses intentions, à l’instar de ces surfeurs regardant les vagues sans avoir le courage d’y aller. Seuls ceux ayant connu cette période pourront se sentir réellement concernés par l’histoire.

C’est d’autant plus dommage que sur le plan graphique, l’album présente un vrai intérêt. Fortement influencé sur la forme par une certaine bande dessinée moderne américano-canadienne, dans la lignée des Seth, Chris Ware et autres artistes du genre, il est à découvrir. Face à la maîtrise narrative, et même si le récit ne remporte pas forcément une adhésion totale, on comprend mieux que certains grands dessinateurs comme Craig Thompson (USA), Shaun Taun (Australie) et Dylan Horrocks (Nouvelle-Zélande), aient tenu à le plébisciter.

Le livre s’accompagne d’un texte de l’auteur, véritable essai sur un genre bien particulier, les comics de surf australien. À réserver aux amateurs.

Moyenne des chroniqueurs
6.0