Joe, l'aventure intérieure

J oe est un jeune garçon assez malchanceux. En plus d’avoir eu le malheur de perdre son père à la guerre, il est diabétique et sous la menace quotidienne de crises d’hypoglycémies. Comme aujourd’hui, où des crétins de son école lui ont taxé ses sucreries et où il rentre seul chez lui, sa mère se battant de son côté pour obtenir le prêt leur permettant de garder leur maison. L’oubli de sa dose régulière de sucre, doublé de la présence d’un orage qui occasionnera une panne électrique, finira par le faire basculer dans un monde hallucinatoire où la mort pourrait bien être la seule conclusion de son aventure…

Autant prévenir le lecteur d’emblée, si ce dernier n’a aucun lien direct avec une personne souffrant des mêmes symptômes, il lui faudra beaucoup d’efforts pour adhérer au propos. La faute au scénario principalement et à la fâcheuse habitude de Grant Morrison de laisser son lectorat se débrouiller avec ce qu’il lui propose. Résultat, charge à chacun de recoller, voire parfois simplement coller, les nombreux morceaux.

C’est bien sûr dommageable. À plusieurs niveaux. Celui de la connaissance du mal tout d’abord. Un peu de concession à l’informatif et à l’éducatif aurait été bienvenu pour permettre à tous les lecteurs de s’identifier au héros et de saisir l’importance de son problème. Celui du traitement de l’adolescence et de la manière dont le subconscient commence alors à fonctionner pour enfouir ou révéler les peurs, les envies et les désirs. Et surtout sur le plan graphique. Passer à côté de l’histoire est aussi un moyen de rater le travail plus qu'intéressant de Sean Murphy. Il enchaîne avec aisance les scènes réelles, ancrées dans des décors réalistes, et les scènes rêvées, donnant vie à une armée de personnages et de lieux inspirés des jouets, objets et autres accessoires meublant le quotidien de Joe.

À lire les commentaires élogieux des spécialistes ayant accompagné cette œuvre, nul doute que Morrison ait réussi à transcrire parfaitement ce que peut ressentir, en terme d’hallucination, un diabétique en manque de glucide. Il est dommage que le scénariste n’ait pas pensé aux autres lecteurs. Ils auront eux à rentrer dans un récit qui s’avèrera plus qu’illogique et surtout complètement hermétique à ceux ignorant tout de cette pathologie. L’album, pour peu qu’ils arrivent à le lire, risquera pour eux de se résumer à un simple délire d’un malheureux gamin ayant besoin d’un coca. Sans compter le happy end final, ô combien inutile en regard du sujet traité, qui fera office de cerise sur le gâteau quant aux défauts qu’ils attribueront à l’ouvrage.

Moyenne des chroniqueurs
5.7