Une nuit de pleine lune

U n groupe de jeunes désœuvrés profite de l’absence des habitants pour cambrioler une maison bourgeoise isolée. Mais les imprévus s’enchaînent, jusqu’à l’arrivée des propriétaires, bousculant un plan normalement sans accroc. Les esprits s’échauffent et les solutions envisagées ne s’avèrent pas être les plus adaptées. Tel est pris qui croyait prendre.

Le duo Huppen père et fils fonctionne depuis plusieurs années sur un rythme relativement régulier d’un album par an. Souvent décrié pour l’aspect torturé et complexe de ses scénarios, Yves H. remet les pendule à l’heure et concocte un thriller à l’efficacité des plus classiques. Tous les codes du suspens sont présents, de la tension générée par le déséquilibré présent au sein de la bande, à l’ambiance nocturne angoissante en passant par le revirement de situation. Une mention spéciale aux dialogues qui oscillent entre répliques cinglantes et bons mots, toujours à propos et qui savent se faire discrets par moment pour que les silences alimentent l’atmosphère inquiétante de circonstance. Le classicisme étant souvent synonyme de simplicité, Une nuit de pleine lune ne déroge pas à la règle, c’est le seul reproche à formuler. Mais comme la frontière entre originalité et déception est ténue, "un tiens vaut mieux que deux tu l’auras". Le manque de saveur et de caractère fait clairement défaut pour dépasser le stade de l’histoire un peu fade. Néanmoins, le rythme soutenu et la mise en scène sans reproche permettent d’obtenir un récit haletant qui contrecarre ses quelques faiblesses. Et puis, il reste le dessin.

Les amateurs d’Hermann seront servis avec un contexte idéal à l’expression du talent du père. Il excelle toujours lors des scènes de nuit où son trait se joue à merveille des ombres et des clairs de lune, un style noir et blanc qui se suffirait presque à lui-même (voir le tirage limité édité par Glénat pour s’en convaincre). Nul doute que la couleur directe, abandonnée depuis peu, aurait pu apporter le petit plus pour transformer en chef d’œuvre des planches sobrement mises en couleur par Sébastien Gerard. Le travail sur les visages est ici moins poussé dans la recherche de la trogne de circonstance contrairement à ce qui est proposé sur Jeremiah par exemple. À l’opposé de leur caractère stéréotypé, les personnages présentent un physique sans relief. C’est bien l’efficience qui est visée, parfois au détriment de l’excellence.

Trop simple et trop lisible, contrairement à ce qui était reproché auparavant au scénariste, Une nuit de pleine lune joue dans le registre du consensuel qui le noie dans la surproduction mainstream actuelle. L’indulgence pour un auteur qui se cherche sans doute encore et l’attrait pour les qualités d’un graphisme maîtrisé décideront de l’accueil des lecteurs.

Moyenne des chroniqueurs
5.3