FreakAngels 4. Volume 4

« Il y a 23 ans, en Angleterre, douze enfants étranges naquirent
exactement au même moment.

Il y a 6 ans, ce fut la fin du monde.

Voici ce qui s’est passé ensuite… »

Ainsi commence l’histoire de Freakangels, webstory hebdomadaire gratuite scénarisée par Warren Ellis et dessinée par Paul Duffield. Nous voici donc six ans après la catastrophe dans une ville de Londres inondée, plus précisément dans le quartier de Whitechapel, où les douze jeunes gens, réunis sous le nom de Freakangels, tentent de réparer tant bien que mal les dégâts qu’ils ont causés, développant grâce à leurs pouvoirs psychiques l’embryon d’une nouvelle société.

Alors que le cataclysme provoqué par les Freakangels était évoqué à mots couverts au cours des épisodes précédents, le quatrième tome s’ouvre sur la séquence révélation de la série : Pourquoi et comment les douze adolescents ont utilisé leurs pouvoirs pour détruire notre civilisation. Au-delà du flashback, c’est aussi le retour du fameux Mark, le membre exclu de la communauté pour avoir pris le contrôle de quelques survivants à des fins personnelles, retour qui va entrainer de violentes réactions dans le groupe. Télépathie, télékinésie, téléportation, avec cette histoire de fin du monde provoquée par des enfants aux pouvoirs paranormaux, Warren Ellis louche clairement du coté d’Otomo. D’Akira bien évidement, mais aussi de Rêves d’enfants. Mais loin de délayer l’histoire, celle-ci est au contraire resserrée autour des douze protagonistes. Autant d’interactions possibles entre les personnages pour mettre en valeur la façon dont ils gèrent, avec plus ou moins de maturité, la découverte de l’étendue de leurs pouvoirs ainsi que leur culpabilité.

L’exercice auquel se livrent les auteurs depuis plus de deux ans est délicat par les contraintes qu’ils s’imposent en termes de medium et de périodicité : publier chaque vendredi un épisode de 6 à 7 planches facilement lisible sur un écran d’ordinateur (on a tendance à oublier de nos jours, à l’heure où les hebdomadaires de bandes dessinées ont disparu, que c’était le rythme de parution des grands classiques). C’est là aussi ce qui fait sa force et son originalité. Se limitant au maximum à un gaufrier de 4 cases par planches pour des raisons de lisibilité, Warren Ellis est obligé de rythmer son récit en moins de 24 visuels parfois beaucoup moins. Sans forcément recourir au suspens de bas de page ou au cliffhanger, il lui faut donc concentrer l’action tout en l’ouvrant d’une séquence à l’autre pour ne pas perdre les cyberlecteurs d’ici la semaine suivante. Heureusement, l’artifice de la télépathie permet de faire dialoguer tous les intervenants alors qu’ils sont dans des lieux différents, absorbés par leurs propres occupations, réalisant un puzzle scénaristique qui reste pourtant d’une grande clarté.

Le graphisme de Paul Duffield, imprégné d’influences nippones et d’une certaine fragilité, n’est pas sans faire penser aux travaux de Bengal, Tiru Terada ou Nicolas Nemiri, toute cette école d’auteurs bivalents aux frontières du réalisme occidental et du manga. Paradoxalement, la limite des 4 cases confère au tout une certaine lenteur qui n’est pas étrangère au sentiment de sérénité qui se dégage, même lors des scènes d’action. Très lisible, ce style sert à merveille cette histoire de monde en reconstruction dont les protagonistes emplis de doutes et de méfiance s’émerveillent devant les limites sans cesse reculées de leur toute puissance.

Projet ambitieux et ludique, destiné à un medium qui fourmille de blogs abandonnés et d’expériences aussi enthousiasmantes qu’inabouties, Freakangels fait preuve d’une grande rigueur. Un professionnalisme qui donne ses lettres de noblesse à la BD numérique et dont la transposition en album est une réussite.

Freakangels tome 4 réuni les épisodes 73 à 94. La publication sur le net en est à son 137e épisode, et si l’on en croit l’éditeur, s’approche de la conclusion.

Moyenne des chroniqueurs
8.5