Julia & Roem

"Le "coup de sang" a frappé la planète bleue qui est devenue grise. Cataclysmes et catastrophes en tous genres ont rendu la Terre hostile à la vie. La poussière a remplacé le ciel et la survie est devenue l’unique option. C’est dans un chaos permanent que Lawrence, Merkt et Roem traversent ce qu’était le désert de Gobi et finissent par échouer au pied d’un hôtel moribond occupé par une famille recomposée dont Julia, la fille, est le centre d’intérêt.

Avec Julia et Roem, Enki Bilal revisite Shakespeare comme l’avait fait avant lui Hermann avec Julius et Roméa, également dans un univers post-apocalyptique. La comparaison s’arrête là, car ni le ton ni le graphisme ne sont comparables. Si l’auteur de Jeremiah jouait sur l’humour et l’action, Bilal garde l’esprit dramatique qui ne peut que naître de l’ambiance sombre d’après "coup de sang". La chape de plomb gris-ocre, magnifique de tristesse, teinte le récit d’une certaine authenticité mélancolique tout en l’engluant dans une torpeur lancinante. Les fait et gestes paraissent ralentis et pénalisent le rythme jusqu’à atteindre une stoïcité ennuyeuse. La typographie retenue pour la voix-off, principale source des textes de l’album, est un choix très contestable. Peut-être voulue, celle-ci est d’une fadeur saisissante pour des propos qui se veulent chargés d’émotion et les quelques extraits de l’œuvre originale ne changent rien à l’affaire.

Si l’esthétique de Julia & Roem est en parfaite harmonie avec le précédent Animal’Z, c’est l’unique intérêt de ce tome, certes non négligeable. L’auteur excelle dans l’expression de la langueur nostalgique de tragédie sentimentale et le désespoir de vies rendues futiles par le désastre ambiant. L’élément "Terre" est ici parfaitement retranscrit, avec le bleu originel de cette planète malmenée par les vents de sables mélangés à l’ocre qui transforme l’horizon en désillusion permanente.

Les destins se nouent et se dénouent, lorsque l’histoire d’amour impossible et éternelle se rejoue. L’univers de Bilal s’enrichit d’un album un peu terne scénaristiquement, qui trouvera peut-être sa place dans une trilogie encore inachevée à ce jour. "L’air" redonnera peut-être un peu d’oxygène dans un monde qui en a bien besoin.

Moyenne des chroniqueurs
6.3