Le tueur 9. Concurrence déloyale

U n dernier coup et puis s’en va. Le Tueur pris entre deux feux, les Etats-uniens et les Cubains, se laisse convaincre par son ami Mariano de s’associer avec Haywood, ex-agent de la CIA, pour une dernière mission avant une retraite officielle et dorée. Exit les contrats et bienvenue la respectabilité ? Pas nécessairement car lorsque des pétrodollars sont en jeux, tout est permis.

Le tueur est un instrument de propagande entre les mains de ses créateurs. Sous couvert d’actions répréhensibles et mortelles, celui-ci fait quasiment le tour du monde, au moins en parole, des inégalités, des injustices et des comportements humains politiquement corrects et détestables. Matz et Jacamon renvoient dos à dos les ennemis jurés et pourtant si semblables sur bien des points : les démocraties capitalistes et les régimes communistes. Les contradictions sont nombreuses et pourtant le constat reste identique, seuls les nantis tirent leur épingle du jeu au détriment de la masse laborieuse. Jusqu’alors simplement abordée en filigrane, l’importance de la dénonciation du mal-être de notre civilisation traversée par le Tueur est devenue le sujet principal de la série depuis Modus vivendi, premier album du second cycle. Point de démagogie, juste une saine lutte contre l’hypocrisie galopante de notre société. Être égoïste et aveugle lorsque cela arrange tout le monde, pourquoi pas, mais surtout pas de bons sentiments mielleux et dégoulinants de circonstance. Assumer le confort occidental sans culpabiliser et sans chercher à se justifier inutilement, c’est le message affiché comme un leitmotiv parfois trop appuyé et pesant. Le récit perd ainsi en consistance et l’action est délayée au milieu d’un discours critique du comportement humain devenu naturel. Les amateurs de dynamisme sont perdants au profit de ceux qui se délectent de propos acides et lucides.

La radicalisation d’esprit du héros et son cynisme omniprésent s’accompagne d’une certaine sobriété graphique, Luc Jacamon préfère abandonner quelques effets spectaculaires pour se concentrer sur la simplicité. Il reste une maîtrise remarquable du dessin avec une mise en scène efficace et souvent audacieuse basée sur un cadrage cinématographique.

La vérité est souvent bonne à dire, surtout si tout le monde n’est pas disposé à l’entendre. Le tueur, manifeste brulant du bonheur égoïste assumé ? Si la notoriété peut avoir cela de bon au risque d’en excéder quelques uns, pourquoi pas. Concurrence déloyale provoque la réaction mais se lit également comme la simple aventure d’un homme qui souhaite une retraite bien méritée qui pourrait réserver quelques surprises.

Moyenne des chroniqueurs
6.3