Sans Dieu 1. La Prophétie de la phalange

Q uatre siècles après la chute de la dernière déesse, la fureur des Lythons menace de se déverser à nouveau sur la cité de Kanel. Priant la grâce de dieux absents, Melario, calife de la ville assiégée, se résoudra à faire évacuer ses sujets vers les Forêts du Nord. Révélé par les travaux de Mary, fille du prévôt de Kanel, l'existence d'un dieu endormi représentera le dernier espoir du dirigeant aux abois. Alors ll faudra aller quérir au travers des lignes ennemies et jusqu'en les murs du monastère d'Abalakâ l'incantation qui libèrera ce Dieu, prisonnier d'une relique divine.

Six héros que le destin réunira s'engageront à réveiller leur dernier Dieu.

S'il ne se démarque pas par l'originalité de sa trame, Sans Dieu est un album remarquable par l'efficacité de sa mise en scène et le style prometteur de son dessinateur.

Passées les vingt premières pages d'une introduction concise et bien construite, les auteurs distilleront à juste mesure les scènes d'action et de concertation avec un véritable souci du rythme de narration. Les personnages rappelleront sans doute des archétypes bien connus des joueurs de jeu de rôle. Reste que cet univers d'inspiration orientale permet à Olivier Hug de développer une multitude rafraîchissante de cultures, moeurs et races. Auteur de nombreux livres "Dont vous êtes le héros", il parvient également avec cet album à retrouver le souffle originel qui fît de l'Heroic Fantasy le support idéal du récit d'aventure. L'intrigue, classique, est articulée de telle sorte que le lecteur ressentira parfaitement toute la tension et l'amertume d'un peuple contraint de fuir devant l'ennemi approchant Kanel.

Illustré par le trait, encore perfectible, de Denis Medri, Sans Dieu est un album d'Heroic Fantasy au sens noble du terme. Les qualités de "character designer" du dessinateur donnent à chacun de ses personnages une personnalité propre et complémentaire à l'harmonie du groupe, comme le veut la tradition. Sans Dieu réussit néanmoins à dépasser les limites d'un genre galvaudé pour mettre en images un récit avant tout centré sur l'action et resserré autour des rapports du groupe d'aventuriers. Aussi, le découpage des planches et l'énergie du trait réussissent sans mal à pallier le manque d'assurance de certains visages et perspectives.

Sans Dieu bénéficie également d'une colorisation à la hauteur de l'ensemble de sa réalisation. Par sa gamme de tons et la subtilité de ses jeux de lumière, Turotti dépeint admirablement les reflets et l'ambiance d'une cité orientale au bord de l'invasion. Soucieux de respecter le trait de Medri, il applique au dessin un traitement proche de celui de la gouache, laissant apparaître parfois le crayonné originel. Après son travail sur L'anneau des 7 mondes, Turotti impose une fois de plus un fait qui peine à se faire reconnaître: le travail et l'investissement du coloriste dans la réalisation d'un album relève de la démarche d''un auteur à part entière. On s'étonnera alors de ne pas trouver son nom associé en couverture à ceux des auteurs.

Sans Dieu se présente donc que comme un récit vivant, dédié à l'action et à l'aventure. Longue vie à cette série !

Moyenne des chroniqueurs
7.0