Girls don't cry

U n brin d’âpreté, une frivolité un rien en berne chez les petites nanas chics. Les voici soudain perdues, à se poser des questions existentielles. Quoi, fi de la superficialité ? Qu’est donc l’héroïne de la bande dessinée « girlie » devenue ? Non, qu’on se rassure, la coquette bourgeoise à frange n’a rien perdu de son mordant et de son côté un peu peste. Si elle se déjoue des clichés distillés par les magazines à la mode, elle n’aime toujours rien moins que babiller entre copines, noter les garçons et se moquer de la petite grassouillette du dernier rang. Rien de très méchant d’ailleurs, juste une manière, sous cape, de rire de soi, de son propre malaise, alors qu’il lui faudra bientôt franchir le seuil de la vie adulte. Elle est d’ailleurs touchante, cette « girl next door » au visage à peine esquissé, cette midinette que l’on croise chaque jour et que l’on rêve d’aborder, malgré soi, malgré l’agacement qu’elle suscite. Intemporelle, aussi, à la mesure d’une mise en scène épurée, à l’image des couleurs vintage et des cases arrondies qui la voient évoluer. Conformiste, enfin, quand bien même elle soignerait son apparence et ce qu’elle croit être une singularité.

La libération des mœurs n’est pas toujours celle de l’esprit, vite rattrapé qu’il est par les codes vestimentaires et les conventions sociales, par la tension entre le vouloir plaire et le vivre libre. Dans Coney Island Baby, Nine Antico empruntait à Lou Reed pour conter, avec élégance, la destinée croisée de Betty Page et de Linda Lovelace. Chacune avait marqué son époque, chacune y avait, un temps, incarné la révolution sexuelle, avant de rentrer dans le rang et de connaître le désenchantement. Cette fois, si l’auteure lorgne du côté des Cure, c’est que la révolution est passée et le rapport à la séduction toujours aussi difficile à gérer.

Moyenne des chroniqueurs
7.0