Local
D
epuis sa fugue, Megan McKennan est à la recherche d’un abri, loin de chez elle et de la pluvieuse Portland. On le devine déjà, la fuite en avant va se faire voyage intérieur. Bien entendu, la route est semée d’embûches mais, le plus souvent, la jeune fille ne fait que se heurter à elle-même. Les villes se succèdent quand Megan fait du surplace. Et puis, peu à peu, au fil du temps, des rencontres, des désillusions, l’adolescente va grandir, puis doucement trouver ses marques. En un mot : mûrir.
À suivre les traces de Megan, Brian Wood et Ryan Kelly composent en creux une fresque sur la jeunesse, mais aussi un hommage à la culture du vagabondage à l'américaine. Douze histoires, autant de villes. Douze ans d’une quotidienne errance au cœur de l’Oncle Sam. Local, c’est le récit, inégal, d’un lent retournement sur soi, à la fois naturel et cathartique, physique et spirituel.
Brian Wood (DMZ, Northlanders, etc.) s’emploie à varier les lieux, les ambiances, quitte à laisser son héroïne, pour mieux la retrouver quelques pages ou quelques années plus loin. À ses côtés, Ryan Kelly, le vieux complice, fait montre de l'étendue de sa maîtrise graphique. Et il y a d'ailleurs un vrai plaisir à le voir expérimenter, à voir son style s’affermir. C'est qu'il y a du Paul Pope chez le garçon, une appétence pour l’encre grasse venant conférer comme un supplément d’âme et de substance au récit. Kelly joue sur les ombres, sur la temporalité. D’un côté, il y a ces flashbacks prenant place dans des lieux dépouillés, à mesure que les souvenirs s’effilochent, quand le réel fourmille de détails, emplit l’espace de son envahissante matérialité. De l’autre, il y a surtout la mise en images de l’évolution physique et, plus encore, de celle du langage corporel de Megan à mesure que ses traits s’apaisent.
Une œuvre touchante, parfois maladroite, qui tente de capter l'essence d'une génération, ses travers, ses absurdités ainsi que ses espoirs.
6.3