Fais péter les basses, Bruno!

A vec Fais péter les basses, Bruno !, Baru nous revient avec un polar gouailleur et pétillant, qui rend hommage aux romans de Donald Westlake ainsi qu'au cinéma de Georges Lautner et de son dialoguiste fétiche : Michel Audiard.

Autour du braquage d’un fourgon de la Brinks, le jour de Noël, l’auteur orchestre un duel épique entre deux générations de la débrouille et de l’immigration. D’un côté, quelques caïds des cités flirtant avec le grand banditisme, de l’autre, un trio de septuagénaires aux faux airs de notables, formés à la vieille école, celle des Ventura, Constantin ou Blier. Et comme à chaque jeu, il faut un arbitre, il choisit d’y glisser un grain de sable venu gripper la belle mécanique des autos et des flingues. Pour interpréter ce rôle, voici Slimane, « clandé » de son état, sans papier venu grossir le rang des exploités, Slimane qui rêvait de grands clubs et de « fouteballe »...

Autant dire que si Baru nous a mitonné un bon vieux casse des familles, assaisonné au plomb, il n’oublie pas de gratiner son récit au feu de la critique sociale, celle qui imprègne toute sa bibliographie (Quéquette blues, L’autoroute du soleil, Noir, etc.). Une fois encore, l’album, enlevé et drôle, est l’occasion pour l’auteur de manifester son goût pour la culture ouvrière, les gens de peu, qu’ils soient sans grade ou immigrés. Ses personnages, d’ailleurs, n’ont de cesse de s’ébattre dans des décors qui paraissent taillés à leur mesure, à celle de l’ennui qui les mine, entre banlieues dortoirs et bars PMU.

Grâce à un trait brut, énergique et puissant, rehaussé de couleurs chaudes, Baru soigne les trognes, livre des dialogues cousus main et privilégie des protagonistes portant le verbe haut. Les seconds rôles n’en font pas pour autant pâle figure. Chacun est mis à l’honneur, du lampiste demeuré aux marlous qui, pour rien au monde, ne lâcheraient leurs blousons noirs, leurs santiags et leurs pantalons étroits. Autant de personnages attachants, hauts en couleur et forts en gueule, pour lesquels le prochain président du festival d’Angoulême paraît ressentir une tendresse infinie. Une réussite !

» A lire aussi, la chronique de Pauvres zhéros, par L. Gianati.