Le tueur 8. L'ordre naturel des choses

A llié temporaire des autorités cubaines, le Tueur se trouve au Venezuela afin d’y mener une campagne de déstabilisation musclée contre la junte militaire au pouvoir et favoriser ainsi la libération du président illégalement emprisonné. Au-delà des apparentes considérations politiques, quelles sont les réelles motivations des commanditaires ? Les velléités affichées par Cuba de mettre fin au blocus économique imposé par les USA ne seraient-elles pas les vraies raisons de toute l’affaire ? Le Tueur n’a-t-il pas mis les pieds dans une intrigue internationale qui risque de lui être fatale ?

Le personnage sans nom, né de la collaboration inspirée du tandem Jacamon/Matz, continue son périple américain sur fond d’enjeux financiers majeurs liés à la découverte d’un gisement pétrolifère d’importance. Dans ce deuxième cycle d’un des plus gros succès commerciaux parus chez Casterman, le scénariste semble vouloir faire évoluer son personnage afin de le sortir d’un schéma qui, à la longue, aurait pu s’avérer routinier. Depuis le début de ses aventures, le Tueur enchaîne les contrats et nous fait partager ses réflexions implacables sur l'Homme ou, plus globalement, sur la façon dont le monde tourne. Désormais, il s’interroge également sur le sens des missions qui lui sont confiées, ainsi que sur leurs implications politiques. Néanmoins, il ne faut pas conclure hâtivement que le personnage central a modifié en profondeur sa façon de voir les choses. Non, il reste un professionnel froid et ce qui l’intéresse en priorité, c’est de sauver sa peau. Toutefois, il y a quelques tomes, l’introduction d’une concubine et d’un enfant lui permet de gagner en profondeur et révèle ainsi une légère faille chez cet antihéros. Le tableau ne serait pas complet sans l’apparition de l’un des protagonistes récurrents de cette série : Mariano. Le temps d’un intermède canadien où le Tueur accompagne le vénézuélien, Matz éloigne le lecteur de l’intrigue principale avant de l’y ramener efficacement, lors d’une dernière scène au cours de laquelle tout laisse à penser que le personnage principal se dirige droit dans un piège.

Au niveau du dessin, le coup de crayon caractéristique de Luc Jacamon est reconnaissable au premier regard. Son trait semi-réaliste participe grandement au charme qui se dégage de cette série. L’auteur alterne habilement les effets afin d’esquiver une lassitude du lecteur. Ainsi, la trouvaille du miroir brisé très présente lors des précédentes réalisations – d’où l’impression de mouvement et d’accélération lors des quelques scènes d’action - est ici remplacée par des cases plus sobres qui n’en restent pas moins fort réussies. Sur le plan de la mise en page, on regrettera juste l’absence du cartouche final sur lequel il est écrit "À suivre". Du coup, l’Ordre naturel des choses pourrait passer pour une fin de cycle quelque peu abrupte.

Ce huitième tome d’une série largement plébiscitée se situe dans la droite ligne des opus précédents : les aficionados y trouveront leur compte, tandis que les nouveaux lecteurs devraient se jeter avidement sur les cycles déjà parus. Un thriller des plus captivants !

Moyenne des chroniqueurs
6.8