Supermurgeman 1. La loi de la jungle

S upermurgeman c’est comme Superman sauf qu’il y a murge dedans. Super-héros complètement alcoolisé (mais jamais bourré), il est doté d’un super-pouvoir lui permettant, par des régurgitations houbloneuses, de paralyser ses adverses. Mais rien ne va plus pour Supermurgeman. Jusque-là il était bien tranquille avec sa femme Sheila sur son île où il faisait régner l’ordre et la justice sur le village indigène. Depuis l’annonce par le sorcier de l’arrivée d’un « grand bwana » venu du ciel, les ennuis pleuvent. C’est comme si l’on avait juré sa perte. Les patrons de la multinationale Sofro Gedec seraient-ils derrière tout ça ?

Chouette ! Se dit-on, une histoire débile, on va s’en payer une bonne tranche. Et pour cause, La Loi de la jungle, premier tome de cette série, reprend les principaux ingrédients de son univers : super-héros improbables, exotisme de pacotille, étrons humanisés, dialogues nonsensiques… Mais après quelques pages, le bidonnage espéré tourne vite au bide avéré. Qu’est-il arrivé à Mathieu Sapin ? On avait découvert son univers loufdingue dans les pages du magazine Ferraille, on était tombé sous le charme de ces courtes histoires absurdes teintées d’humour scato, on avait apprécié son trait parfois maladroit mais si personnel.

On demeure consterné par le déroulement terriblement ennuyeux du récit : la dimension parodique y est si peu perceptible que l’on n’est jamais amusé. C’est plutôt soulagé qu’on voit survenir la happy end où, comme il se doit, le méchant est démasqué tandis que le héros tombe dans les bras de sa dulcinée. Certes, malbouffe, mondialisation et télé-réalité sont brocardées au fil des pages… Mais si l’on perçoit les ambitions de l’auteur, la charge ne fonctionne pas du tout.

Par ailleurs, Mathieu Sapin a été victime ici de cette « blainisation » qui gagne certains dessinateurs. On pourrait consacrer un article entier à ce phénomène, toujours est-il qu’au contact de Christophe Blain, son copain d’atelier, Sapin a éliminé de son graphisme ce qui en faisait l’attrait. Ici, la maladresse affichée a été gommée pour un style à la fois plus précis, plus clair et plus dense… Conséquence : le dessin, standardisé sur le modèle d’une esthétique faussement « nouvelle bd », sombre dans la banalité.

Sans doute le passage chez un grand éditeur nécessite-t-il qu’on mette de l’eau dans son vin, pardon, du désodorisant sur son œuvre. Car, en plus du passage obligé aux quarante-six pages, des phylactères et cases tracées au cordeau (contraintes si peu adaptées au petit monde de Sapin), l’inénarrable Monsieur Merde devient pour l’occasion… Monsieur Chocolat. Le politiquement correct est-il passé par là ?

La loi de la jungle il faut malheureusement le reconnaître, est un album supermurgenul. On espère retrouver bien tôt le Mathieu Sapin qui nous avait touché en nous contant si poétiquement « La vieillesse de Johnny Silverouaive ».

Moyenne des chroniqueurs
3.8