Vieille Bruyère et Bas de Soie 1. La tache noire
S
ir Walter Rutherford ! Voici cinq années que ce nom hante les nuits du dénommé Arbuckle, inspecteur bourru au service de Sa Gracieuse Majesté. Le policier de Scotland Yard met un point d'honneur à révéler enfin les trafics multiples du personnage. En vain jusqu'alors... Protégé par ses appuis à la Cour, l'aristocrate s'en est toujours sorti à bon compte. Cependant, sa prochaine confrontation à l'inspecteur risque de lui être fatale. Arbuckle détient désormais assez de preuves, en la personne du comptable personnel du suspect, pour inculper Rutherford.
Sous ce titre pour le moins ronflant se cache un album de caractère. Pour son premier ouvrage, E. Willem choisit l'Angleterre début 20ème pour décor et un trait dynamique, aux lignes de force quasi omniprésentes, pour illustrer son propos. Son passé dans l'animation lui a sans doute valu cette maîtrise du mouvement et le style très caricatural de ses personnages. Ombrageux, imposant, constamment nimbé des volutes de sa pipe d'écume, Arbuckle porte à lui seul tout l'intérêt de cette série prometteuse. On sent que l'auteur a trouvé dans ce vieil inspecteur soupe-au-lait un héros qu'il a à coeur de développer jusque dans ses manies quotidiennes. Dommage que les personnages secondaires ne bénéficient pas de la moitié de cette attention... Bien sûr, ce serait oublier la charmante Miss Mac Millan et Mme Hudson, le chat de l'inspecteur.
Autre petite lacune, la trame de La tâche noire n'est pas des plus évidentes à suivre. Les faits qui occupent Arbuckle sont antérieurs au début de l'album. Aussi, le lecteur trouvera dès les premières pages le héros aux prises avec un ennemi dont on ne connaît pas encore le visage. La mise en situation est ici assez déstabilisante, pour ne pas dire confuse. La réalisation très détaillée parvient tout de même à sauver une intrigue complexe souffrant du trop peu d'informations préalables.
A l'instar de la Collection 2B de Soleil, la présente édition bénéficie d'une planche de crayonnés en regard de chacune des planches encrées. Plus instructive, elle permet également de constater l'absence de nombreux détails amusants qui ne seront sans doute pas reproduits dans la version encrée. Espèront que la colorisation, promise aux bons soins de Bernatets, saura retranscrire un peu de la chaleureuse bonhommie du style de Willem.
Malgré un scénario inutilement alambiqué, Vieille bruyère et bas de soie se révèle être une bonne surprise.
6.7