Le tour du monde en bande dessinée 2. Volume 2

S ’il est une nouvelle qui justifie à elle seule la lecture de ce deuxième volume du Tour du monde en bande dessinée, c’est celle de Rutu Modan. Dans Haut les mains, peau de lapin, elle réitère le tour de force qui avait tant impressionné à la découverte d’Exit Wounds : ce don pour dépeindre la façon qu’ont les Israéliens de gérer la situation dans laquelle ils vivent. Une manière d’occulter la guerre, un rapport quasi schizophrénique à l’environnement. La résistance du quotidien, de l’ordinaire, semble toujours la plus forte. Ainsi, l’histoire de ce lapin que chacun s’évertue à rechercher au milieu des bombardements ou ce récitatif, anodin et pourtant si percutant : « Je suis venue d’Angleterre pour les vacances de Noël. Il faisait beau. Le cappuccino était bon. Puis il y a eu la guerre à Gaza. Loin, à une heure de Tel-Aviv ».
Et tandis que le récit s’achève sur l’arrivée d’un président français à Jérusalem, le lecteur se voit transporter dans une voiture garée au milieu de la nuit. A l’intérieur, deux hommes discutent des femmes, de la politique, de la fin du monde, avant de sortir, l’arme au poing. Un règlement de compte, un de plus dans la république des scandales de Gipi (2012). Puis, il est soudain question, aux côtés de l'argentin Carlos Nine, d’un complot ourdi contre l’ennemi de toujours, l’Angleterre honnie. Et tandis que Sonny Liew, convoquant quelques unes des grandes figures de la bande dessinée contemporaine, s’appesantit sur le terrorisme islamiste en Asie, que Mazen Kerbaj, depuis le Liban, compose au crayon gras une fresque interrogeant l’impérialisme américain, Kamel Khelif assène le coup de grâce. Il retranscrit au fusain, à l'encre de Chine, en usant de toutes les nuances du noir, du blanc et du gris, le témoignage d’une jeune prostituée birmane travaillant en Thaïlande. Tout y est, dans la manière dont la matière s’exprime, dans le rapport à l’espace : de l’atmosphère des peep-shows, de la moiteur des bordels aux rues bruyantes, des champs et des rizières à l’exode vers les bidonvilles.
Le récit résonne longtemps et un détour – évidemment futile – s’impose dans le Paris germanopratin (Erwann Le Terrier), avant, au choix, de se faire une toile à l’occasion du festival du film juif de Palm Beach (Vanessa Davis) ou d'accompagner, dans ses pérégrinations, un citoyen du monde (Nick Abadzis). Il est doux, un instant, de se poser en « enfant en itinérance géographique » quand tant d’autres émigrent par nécessité… ou voyagent, plus prosaïquement, par procuration.

» La chronique du premier tome de ce Tour du monde en bande dessinée, par D. Ollivier.

Moyenne des chroniqueurs
6.0